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——————————— Sunday 01, July 2018 ———————————

Exception française

Le Conseil d’État alerte régulièrement les esprits sur l’inflation législative : voilà que les députés s’y mettent aussi.

Le député LR Jean-Luc Warsmann, président du groupe de travail sur la procédure législative, s’est inquiété devant le bureau de l’Assemblée nationale, le 20 juin, de « la fuite en avant dans l’exercice du droit d’amendement ».

Après avoir rappelé que son groupe de travail s’était rendu à la Chambre des communes anglaise, au Parlement européen et au Bundestag allemand, le parlementaire a déclaré : « Une conclusion s’impose : la France connaît une situation totalement atypique au regard des exemples étrangers. »

Et de citer ce cas : « De juin 2012 à juin 2017, en séance, l’Assemblée nationale a été saisie de 115 037 amendements, contre 191 au Bundestag en une législature, entre octobre 2013 et octobre 2017. Sur cette même période, le Parlement allemand, sur ces 191 amendements, en a adopté 2. En une législature, nous en avons adopté 18 695. Sur ces 18 695, 22 % venaient du gouvernement. »

D’où le diagnostic de Warsmann : « C’est là le symbole de textes malfinis, qu’on se dépêche d’essayer d’améliorer au dernier moment, par des amendements hors délai. »

Macron n’a plus qu’à aller demander à Angela Merkel quelques conseils de méthode.

Mouais… Il n'y a pas forcément une corrélation entre des débats parlementaires fournis à coup de nombreux arguments (donc d'amendements) et une inflation législative (c'est-à-dire la production de textes de circonstance inutiles qui régissent des détails insignifiants et/ou qui sont inapplicables). Des amendements, donc des arguments, exposés jusqu'au dernier moment (amendements en séance plénière), je trouve ça sain, ça peut être le signe d'un débat comme d'un flood (gouvernemental ou non). Un chiffre aussi faible que celui du Bundestag me fait craindre des textes préparés en amont, dans les cabinets de l'exécutif, par des bureaucrates et des technocrates, en dehors de tout contrôle démocratique. Dans les deux cas, ce nombre d'amendements est une mesure qui ne dit rien sur la qualité des textes produits : le parlement allemand a voté des lois liberticides opportunistes retoquées par leur cour constitutionnelle, le parlement français aussi.

Ce qui compte à mes yeux, c'est une analyse plus fine : est-ce que ces amendements français étaient du flood pour noyer le débat ? Est-ce que c'était trouzemille fois un même amendement poussés par des groupes de pression et repris par plusieurs parlementaires ? Est-ce que c'était trouzemille fois un même amendement déposé par des groupes politiques différents (qui ne veulent généralement pas cosigner un même amendement même s'ils sont d'accord avec) ?

Enfin, je ne pense pas qu'il soit pertinent de comparer une Allemagne décentralisée avec des régions plus autonomes que la France avec le pouvoir centralisé français : je pense qu'en Allemagne, des tas de décisions se prennent au niveau des régions, échappant ainsi à un comptage réalisé dans leur parlement.

Dans le Canard enchaîné du 27 juin 2018.

Le préfet de police a les grandes oreilles qui sifflent

Une station d’écoute mobile rend malades poulets… et mouflets.

Avis aux parents d’élèves, à leurs enfants et aux enseignants : croiser un monospace Volkswagen noir à vitres fumées peut s’avérer dangereux. Depuis quelques semaines, la préfecture de police (PP) de Paris teste une station mobile d’écoute digne de James Bond. Un système au rayonnement électromagnétique si puissant que les poulets s’inquiètent de ses effets sur la santé. La semaine dernière, le représentant du syndicat Unsa-Police a interpellé le préfet, qui a juré que les utilisateurs n’avaient rien à craindre.

Tant mieux pour la troupe. Pour les riverains, en revanche, la prudence est de mise. Dans une lettre datée du 19 avril, le directeur des services techniques et logistiques de la préfecture de police alerte le patron du « 36 » : « Au vu des seuils élevés mesurés à l’extérieur du véhicule, mes services attirent votre attention quant à l’utilisation continue du véhicule, qui est à proscrire à moins de 100 mètres d’un établissement qui accueille des enfants ». Vu le nombre d’écoles et de crèches à Paris, voilà qui interdit bien des rues ! Camouflé dans un monospace secret-défense, ce super Imsi—catcher (1,8 million d’euros, quand même) espionne tous les téléphones et ordinateurs présents dans un cercle d’au moins 1 km de diamètre. Comment ? En imitant le fonctionnement d’une antenne-relais de téléphonie mobile, de manière que les appareils situés à proximité s’y connectent.

1 km de diamètre ?! Pendant les débats sur la loi Renseignement de mi-2015, tout ce beau monde avait certifié aux citoyen⋅ne⋅s et aux groupes de pression que les IMSI-catcher viseraient des cibles bien définies, qu'il n'y avait pas pêche au chalut (ce qui est impossible vu le principe de fonctionnement de ces appareils).


Ces grandes oreilles peuvent savoir qui appelle qui (dans quel appartement, à quel étage), lire tous les SMS, aspirer le contenu des agendas, des blocs-notes, des répertoires téléphoniques, mais aussi les consultations de sites Internet ou les mails. Avec, en prime, la possibilité de capter simultanément deux ou trois conversations et de les re-router sur les téléphones portables des policiers, où qu’ils se trouvent. Ni vu ni connu.

Oui, ça intercepte tout ce qui transite sur le réseau GSM. Donc l'agenda, les blocs-notes, les annuaires ne sont pas concernés sauf si ton ordiphone synchronise tout cela dans le cloud. Et encore, ça suppose que l'échange entre le téléphone et le point de stockage sur le net ne soit pas chiffré (TLS). Cette dernière remarque s'applique aussi aux mails et à la consultation de sites Internet.


Facile de comprendre, donc, pourquoi, à la préfecture de police, deux directions — celle du renseignement et celle de la police judiciaire — se sont étripées pour récupérer l’engin espion.

Jusqu’à présent, elles devaient se contenter d’une dizaine de petits Imsi-catchers, au rayon d’action limité, incapables d’écouter des conversations téléphoniques. C’est finalement la PJ parisienne qui gardera la camionnette dans son garage et la prêtera aux rivaux chargés du renseignement.

Bien renseignés

Avec ce nouveau joujou, le préfet de police de Paris est désormais équipé d’un mouchard sur roues plus puissant que les quatre déjà en service à la DGSE, à la DGSI, au GIGN ou au très discret Service interministériel d’assistance technique. Pour la petite histoire, c’est avec un Imsi que ce service chargé de traquer le « crime organisé » a identifié le téléphone secret acheté par Sarko au nom de Bismuth.

Longtemps employés en loucedé, les lmsi-catchers n’ont été légalisés qu’en juillet 2015, par une loi taillée sur mesure. Afin de limiter les dérives, poulets et militaires n’ont pas le droit d’en faire fonctionner plus de 60 sur le sol français. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille au grain. Elle est notamment censée vérifier que toutes les données avalées n’ayant rien à voir avec les cibles sont bien detruites. Mais qui pourrait douter de la loyauté des services de renseignement ?

Dans le Canard enchaîné du 27 juin 2018.

Un lobby qui cultive son jardin

Connaissez-vous la consoude ? Cette plante herbacée, gorgée de potassium, est utilisée depuis des lustres sous forme d'extrait fermenté pour tertiliser les cultures et lutter notamment contre le mildiou. Saut qu'en France vendre ou simplement donner cette herbe magique est interdit, sous peine de ans de prison et de 75 000 euros d'amende. Pourquoi ? Parce ue l’industrie phytosanitaire s'acharne contre les préparations naturelles telles que la consoude ou le purin d'ortie, qui pourraient remplacer nombre d'engrais et de pesticides chimiques a moindre coût.

Jusqu'en 2006, on pouvait tranquillement faire commerce des préparations naturelles peu préoccupantes — les « PNPP », de leur petit nom. Mais Syngenta et consorts ont obtenu que ces substances, pourtant toutes consommables par l’homme et l’animal, soient soumises aux mêmes contraintes réglementaires que les pesticides. En clair que le bulbe d'ail ou la feuille de basilic soient traités comme le glyphosate, avec obligation de décrocher une autorisation de mise sur le marché (AMM). Pas très raccord avec a promesse du Grenelle de l’environnement de réduire de moitié notre consommation de pesticides…

Au bout de dix ans de combat, les pouvoirs publics ont fini par lâcher du lest. Depuis 2014, les PNPP ne sont plus considérées comme des phytosanitaires, mais comme des « biostimulants ». Exit le dossier d’AMM. A la place, une procédure allégée : il suffit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l'Anses, les ait déclarées sans « effet nocif sur la santé humaine, sur la santé animale et sur l’environnement. » A condition, toutefois, de ne pas dire que les PNPP préviennent ou traitent les maladies des plantes, afin de ne pas parasiter le marché des pesticides. Autre petit pépin : seules 148 substances figurent dans le panier autorisé, alors que la famille en compte plus de 800 ! C'est d’autant plus ballot que, l’année prochaine, les jardiniers amateurs n’auront plus le droit d'asperger des pesticides et qu'ils devront dare-dare trouver des solutions de remplacement.

Pour que les PNPP retrouvent pleinement droit de cité, les députés ont voté, le 30 mai, la supression de l'avis de l’Anses… Un article de la loi Agriculture et Alimentation que les sénateurs ont prestement retoqué en commission, ignorant sûrement que les parterres du jardin du Luxembourg sont, comme l’a découvert « Le Canard », soignés a la consoude.

Ce n'est pas parce qu’on est sénateur qu’on a le droit de pousser mémé dans les orties !

Dans le Canard enchaîné du 27 juin 2018.

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