Le Conseil d’État alerte régulièrement les esprits sur l’inflation législative : voilà que les députés s’y mettent aussi.
Le député LR Jean-Luc Warsmann, président du groupe de travail sur la procédure législative, s’est inquiété devant le bureau de l’Assemblée nationale, le 20 juin, de « la fuite en avant dans l’exercice du droit d’amendement ».
Après avoir rappelé que son groupe de travail s’était rendu à la Chambre des communes anglaise, au Parlement européen et au Bundestag allemand, le parlementaire a déclaré : « Une conclusion s’impose : la France connaît une situation totalement atypique au regard des exemples étrangers. »
Et de citer ce cas : « De juin 2012 à juin 2017, en séance, l’Assemblée nationale a été saisie de 115 037 amendements, contre 191 au Bundestag en une législature, entre octobre 2013 et octobre 2017. Sur cette même période, le Parlement allemand, sur ces 191 amendements, en a adopté 2. En une législature, nous en avons adopté 18 695. Sur ces 18 695, 22 % venaient du gouvernement. »
D’où le diagnostic de Warsmann : « C’est là le symbole de textes malfinis, qu’on se dépêche d’essayer d’améliorer au dernier moment, par des amendements hors délai. »
Macron n’a plus qu’à aller demander à Angela Merkel quelques conseils de méthode.
Mouais… Il n'y a pas forcément une corrélation entre des débats parlementaires fournis à coup de nombreux arguments (donc d'amendements) et une inflation législative (c'est-à-dire la production de textes de circonstance inutiles qui régissent des détails insignifiants et/ou qui sont inapplicables). Des amendements, donc des arguments, exposés jusqu'au dernier moment (amendements en séance plénière), je trouve ça sain, ça peut être le signe d'un débat comme d'un flood (gouvernemental ou non). Un chiffre aussi faible que celui du Bundestag me fait craindre des textes préparés en amont, dans les cabinets de l'exécutif, par des bureaucrates et des technocrates, en dehors de tout contrôle démocratique. Dans les deux cas, ce nombre d'amendements est une mesure qui ne dit rien sur la qualité des textes produits : le parlement allemand a voté des lois liberticides opportunistes retoquées par leur cour constitutionnelle, le parlement français aussi.
Ce qui compte à mes yeux, c'est une analyse plus fine : est-ce que ces amendements français étaient du flood pour noyer le débat ? Est-ce que c'était trouzemille fois un même amendement poussés par des groupes de pression et repris par plusieurs parlementaires ? Est-ce que c'était trouzemille fois un même amendement déposé par des groupes politiques différents (qui ne veulent généralement pas cosigner un même amendement même s'ils sont d'accord avec) ?
Enfin, je ne pense pas qu'il soit pertinent de comparer une Allemagne décentralisée avec des régions plus autonomes que la France avec le pouvoir centralisé français : je pense qu'en Allemagne, des tas de décisions se prennent au niveau des régions, échappant ainsi à un comptage réalisé dans leur parlement.
Dans le Canard enchaîné du 27 juin 2018.