Connaissez-vous la consoude ? Cette plante herbacée, gorgée de potassium, est utilisée depuis des lustres sous forme d'extrait fermenté pour tertiliser les cultures et lutter notamment contre le mildiou. Saut qu'en France vendre ou simplement donner cette herbe magique est interdit, sous peine de ans de prison et de 75 000 euros d'amende. Pourquoi ? Parce ue l’industrie phytosanitaire s'acharne contre les préparations naturelles telles que la consoude ou le purin d'ortie, qui pourraient remplacer nombre d'engrais et de pesticides chimiques a moindre coût.
Jusqu'en 2006, on pouvait tranquillement faire commerce des préparations naturelles peu préoccupantes — les « PNPP », de leur petit nom. Mais Syngenta et consorts ont obtenu que ces substances, pourtant toutes consommables par l’homme et l’animal, soient soumises aux mêmes contraintes réglementaires que les pesticides. En clair que le bulbe d'ail ou la feuille de basilic soient traités comme le glyphosate, avec obligation de décrocher une autorisation de mise sur le marché (AMM). Pas très raccord avec a promesse du Grenelle de l’environnement de réduire de moitié notre consommation de pesticides…
Au bout de dix ans de combat, les pouvoirs publics ont fini par lâcher du lest. Depuis 2014, les PNPP ne sont plus considérées comme des phytosanitaires, mais comme des « biostimulants ». Exit le dossier d’AMM. A la place, une procédure allégée : il suffit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l'Anses, les ait déclarées sans « effet nocif sur la santé humaine, sur la santé animale et sur l’environnement. » A condition, toutefois, de ne pas dire que les PNPP préviennent ou traitent les maladies des plantes, afin de ne pas parasiter le marché des pesticides. Autre petit pépin : seules 148 substances figurent dans le panier autorisé, alors que la famille en compte plus de 800 ! C'est d’autant plus ballot que, l’année prochaine, les jardiniers amateurs n’auront plus le droit d'asperger des pesticides et qu'ils devront dare-dare trouver des solutions de remplacement.
Pour que les PNPP retrouvent pleinement droit de cité, les députés ont voté, le 30 mai, la supression de l'avis de l’Anses… Un article de la loi Agriculture et Alimentation que les sénateurs ont prestement retoqué en commission, ignorant sûrement que les parterres du jardin du Luxembourg sont, comme l’a découvert « Le Canard », soignés a la consoude.
Ce n'est pas parce qu’on est sénateur qu’on a le droit de pousser mémé dans les orties !
Dans le Canard enchaîné du 27 juin 2018.