Pimkie, Peugeot, bientôt Carrefour… Moins de deux semaines après la parution des décrets d’application de l’ordonnance Macron sur la « rupture conventionnelle collective », cette dernière fait un tabac chez les patrons. Elle leur donne le feu vert — sous réserve d’un oui des syndicats — pour licencier sans motif économique.
Lors de la signature de l’ordonnance Macron, le 22 septembre, les regards des syndicats se sont braqués sur quelques chiffons rouges agités sous leur nez, telle la « barémisation » des indemnités aux prud’hommes. Et le reste est passé largement inaperçu. Une lecture au scanner de ces textes permet pourtant de découvrir plusieurs perles pas vraiment défavorables aux employeurs.
Pénicaud, DRH des patrons. La dernière de ces pépites, datée du 30 décembre, porte la signature de la ministre du Travail. Un décret paru au « JO » fournit aux patrons licencieurs cinq modèles de lettres censées les mettre à l’abri des foudres des tribunaux. De l’éjection pour faute grave au dégraissage économique, tous les cas de figure sont prévus. Il suffit à l’employeur de remplir les cases vides. On attend que le président de la République — qui n’est pas que celui des riches — demande à sa ministre un vade-mecum similaire pour aider les salariés à contester leur vidage.
La lettre de licenciement à répétition. Avant les ordonnances, les griefs de l’employeur devaient tenir en une seule — et définitive — missive. Désormais, si, après avoir signifié son renvoi à un salarié, un taulier est saisi par l’envie de le câliner davantage, il peut lui envoyer une deuxième lettre, puis une troisième, contenant de nouvelles causes ou de nouveaux témoignages, évidemment indépendants.
Et si ces nouveaux chômeurs, connus pour leur mauvais caractère, entendent contester, ils devront faire fissa : le délai pour engager une procédure tombe à un an, contre deux auparavant.
Monologue social. La simplification de la vie des employeurs passe aussi par celle du dialogue social. Sous le gouvernement Jospin, Martine Aubry avait fait voter l’obligation d’une négociation annuelle des salaires dans les entreprises. Quelle horreur ! Macron a rectifié. Avec les ordonnances, le délai entre deux discussions salariales passe à quatre ans, à supposer que le patron trouve assez de syndicalistes pour accepter ce report des échéances. Au sein de certaines branches ou dans les PME, il n’aura pas beaucoup de mal à les débaucher.
Bosser plus pour gagner moins. La loi Aubry ouvrait la possibilité d’accords permettant d’augmenter la durée du travail sans que le salaire suive. Mais cette décorrélation n’était possible qu’à la condition impérative que la boîte rencontre des difficultés. « Le “travailler plus pour gagner moins” peut désormais être décidé dans le simple intérêt de la société. Sans plus de garanties », s’étrangle Christophe Baumgarten, avocat spécialisé en droit social.
flexibilité sans sécurité. Quant aux grosses boîtes qui dégraissent, l’obligation de proposer aux salariés d’être recasés dans le groupe disparaît. L’ancien patron des patrous, Yvon Gattaz, exigeait cette flexibilité en 1985. Grâce à Macron, Pierre a fini le job de papa.
L’employeur, patron aussi — des syndicats. Exit aussi l’obligation faite aux directions de financer les expertises demandées par le comité d’entreprise. Le Comité économique et social (CES) qui lui succède (avalant au passage les délégués du personnel et le comité d’hygiène et de sécurité) devra en payer la moitié. Logique. Sauf que les moyens financiers du CES, ainsi que les heures de délégation des représentants du personnel, seront fixés par la négociation… c’est-à-dire, finalement, par l’employeur. « Le problème des accords d’entreprise est qu’ils seront négociés par des syndicats qui dépendront aussi des moyens que leur donneront les employeurs. Il y a des risques évidents de corruption », confie un spécialiste réputé du droit social.
Il faut bien pallier la fuite des adhérents.
Ma liste de ce qu'apportent ces ordonnances contre le travail.
Dans le Canard enchaîné du 10 janvier 2018.