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  • Ce que je retiens de la loi (contre le) travail par ordonnances

    Macron ayant signé les ordonnances contre le Code du travail il y a une semaine, il est intéressant de s'arrêter sur l'essentiel des mesures.

    • Individualisation de la relation au travail : l'employé⋅e, en tant que personne éclairée et responsable, négocie directement avec son⋅a employeur⋅euse, tranquillou, dans la convivialité. Ainsi, toujours plus de décisions qui relevaient jusque-là du Code du travail pourront être prises par les branches professionnelles (recours aux CDI/CDD de mission dans d'autres secteurs d'activité que le BTP, leur durée, etc.) et toujours plus de décisions prises jusque-là par les branches pourront être prises au cas par cas dans chaque entreprise (comme la durée du temps de travail, les primes, le recours ou non aux heures supplémentaires, etc.). Flexibilité++. Rien de neuf jusque-là, à chaque loi portant sur le Code du travail, nos élu⋅e⋅s privilégient l'individualisation du travail. Désormais, il est également possible de se passer des syndicats pour conclure des accords d'entreprise dans les sociétés de moins de 50 salarié⋅e⋅s, l'employeur décidera avec un⋅e élu⋅e du personnel, non syndiqué⋅e. Dans les sociétés de moins de 20 salarié⋅e⋅s, il sera possible de conclure ces mêmes accords par un référendum à l'initiative de l'employeur ;

      • Ce que je trouve fascinant ici, c'est que la loi renonce précisément à son objectif. Je veux dire, nos sociétés reposent sur l'idée que, pour éviter l'arbitraire du plus fort (personne qui détient les moyens de production, personne qui a de gros muscles, bref, personne qui a un avantage dans une situation donnée), on institue une puissance publique pour le bien de tou⋅te⋅s (et non au profit de quelques personnes) qui a le monopole de la violence légitime pour faire appliquer la volonté des citoyen⋅ne⋅s dont elle est l'émanation (via un système d’élection de représentant⋅e⋅s à l'heure actuelle mais ça peut changer). Individualiser la relation au travail, comme ils disent, c'est revenir à l'arbitraire. Ben oui, le référendum d'entreprise ira dans le sens de l'employé⋅e moyen⋅ne, celui⋅celle pour qui le taff se passe bien, il ne sera jamais en faveur des minorités (comme les femmes ou les ressortissant⋅e⋅s de l'UE dans certaines professions), il est la loi du plus fort (va expliquer à ton⋅a employeur⋅se que tu refuses le non recours aux heures supplémentaires parce que t'as tels types de dépenses incompressibles). Il n'y a plus de protection par la société, il est là le problème de fond ;
    • Une filiale française déficitaire dans un groupe mondial bénéficiaire pourra procéder à un licenciement économique, les juges seront prié⋅e⋅s d'examiner la légitimité de ce licenciement uniquement au niveau de la situation française. Les multinationales attendaient cela depuis fort longtemps ;

    • Disparition de la possibilité de partir plus tôt à la retraite en fonction de la pénibilité de son travail genre quand, à longueur de temps, on a porté des charges lourdes, ou qu'on a été exposé à des positions/gestes difficiles, ou qu'on a été exposé aux vibrations mécaniques d'un gros engin, ou qu'on a été exposé à des risques chimiques. Je trouve que nos élu⋅e⋅s et hauts-fonctionnaires envoient un message fort aux personnes exerçant des métiers difficiles : bosse jusqu'à te flinguer intégralement la santé. Il ne reste plus qu'à relever les seuils à partir desquels ce genre d'accident du taff et d'incapacité de travail sont indemnisés par l'État et pouf, ça va nous en faire des ex-travailleur⋅se⋅s condamné⋅e⋅s au chômage puis au RSA socle… Partant de là, je ne suis même pas sûr que l'État y gagne financièrement (retraite un poil plus longue versus des frais médicaux + incapacité de travail…). Dans tous les cas, je me demande : où est la solidarité ?! C'est aussi ça, l'histoire sociale de la France ;

    • Fusion des instances représentatives du personnel en une seule… Sauf que chaque instance avait ses spécificités et domaines de compétences. Désormais, on aura moins de personnes disposant de moins de temps pour s'occuper de cette représentation et elles seront polyvalentes (oui parce que c'est bien connu que n'importe qui a des compétences en matière de santé et de sécurité au travail !). Je ne vois pas ce que ça peut apporter de plus que des gains pour l’employeur.se et une baisse de la qualité de la représentation ;

    • On parachève l'édifice en muselant la justice, la seule institution qui a encore le pouvoir de protéger le⋅a salarié⋅e après tout ça : les formalités du licenciement pour cause réelle et sérieuse sont allégées, l'humain⋅e devient jetable sur demande en mode siège éjectable (l'employeur n'est plus obligé de donner de motif, peut le fabriquer de toutes pièces les semaines qui suivent l'annonce du licenciement, et la justice ne peut plus en conclure une nullité du licenciement !), les indemnités que peuvent accorder les juges en cas de licenciement abusif sont contenues dans un barème plafonné (sauf si le licenciement est motivé par une atteinte aux droits fondamentaux genre harcèlement, discrimination… sauf que la loi n'est pas claire et qu'il faudra visiblement que la Cour de cassation se prononce…) et le délai pour porter un recours devant les Prud'hommes est raccourci (2 ans -> 1 an) histoire que l'employeur qui a potentiellement bousillé une vie n'ait pas besoin de provisionner des frais exceptionnels de justice trop longtemps ;

    • Tout n'est pas négatif dans ce travail gouvernemental. Le télétravail est mis en avant. Désormais, c'est à l'employeur de démontrer qu'un poste ne peut pas être occupé à domicile quand un⋅e salarié⋅e en fait la demande et les accidents seront reconnus comme des accidents du travail. Ça me fait rigoler. D'une part parce qu'il est facile de démontrer que le télétravail n'est pas possible (réunions, esprit d'équipe, esprit d'entreprise, cohésion, etc.). D'autre part car il revient à des accords d'entreprise de définir les modalités du télétravail comme les conditions, la possibilité de l'employé⋅e de refuser ou de revenir dans les locaux de la société, les plages horaires durant lesquelles l'employeur peut joindre l'employé⋅e, etc. Cela peut être très casse-gueule pour les premier⋅e⋅s aventurier⋅e⋅s ;

    La suite : une 20aine de décrets doivent être pris d'ici la fin de l'année (donc la nouvelle législation sera applicable en totalité dès le 1er janvier 2018) et le Parlement doit ratifier les ordonnances (vérifier que le gouvernement a respecté le cadre et l'esprit voulu par le législateur) d'ici fin novembre / début décembre. Puis viendra le temps des autres massacres : celui de l’apprentissage, de la formation professionnelle puis de l'assurance chômage, déjà annoncés par le Château.

    Fri Sep 29 16:18:38 2017 - permalink -
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