Dans le cadre d’une action de groupe, plusieurs associations et ONG ont saisi le Conseil d'État afin de faire cesser la pratique des contrôles d’identité discriminatoires. Il ressort de l’instruction que la pratique de ce type de contrôles existe et ne se limite pas à des cas isolés. Si elle ne peut être considérée comme « systémique » ou « généralisée », cette pratique constitue néanmoins une discrimination pour les personnes ayant eu à subir un contrôle sur la base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. Le Conseil d'État constate toutefois que les mesures demandées par les associations visent en réalité à une redéfinition générale des choix de politique publique en matière de recours aux contrôles d’identité à des fins de répression de la délinquance et de prévention des troubles à l’ordre public qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge administratif. C’est pourquoi le Conseil d'État rejette le recours.
Intéressant.
Procédure initiée en juillet 2021.
Première action collective / recours collectif en droit administratif, devant le Conseil d'État (77-10-1 CJA).
Il résulte de ces dispositions que, dans les domaines mentionnés à l'article L. 77-10-1 du Code de justice administrative, une action de groupe peut être engagée devant le juge administratif, par une association satisfaisant aux conditions prévues par loi, lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent chacune un dommage causé par une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé chargée de la gestion d'un service public et que les dommages ainsi subis trouvent leur cause commune dans un même manquement de cette personne morale à ses obligations légales ou contractuelles […] Lorsque le manquement résultant de l'abstention de la personne concernée [ de prendre toute mesure (juridique, financière, technique, organisationnelle, etc.) pour respecter la loi dans l'exercice de ses missions ] est établi et que les conditions fixées par le texte sont réunies, le juge saisi d'une action de groupe lui enjoint d'y mettre fin par toutes mesures utiles.
Le déroulé suit celui de l'arrêt sur le port du RIO par les flics pris le même jour, par la même formation. Par l'action de groupe, les associations requérantes (Amnesty International France, Human Rights Watch, etc.) ont porté des témoignages de personnes s'estimant victimes de contrôles au faciès (seul le juge judiciaire peut dire ce qu'il en est vraiment). Elles demandent au CE d'enjoindre au ministère de l'Intérieur de stopper les contrôles au faciès en prenant les mesures qu'elles préconisent et toutes autres que le Conseil jugerait utiles. Les contrôles au faciès sont interdits par le R. 434-16 du Code de la sécurité intérieure (et par la décision 2022-1025 QPC du Conseil constitutionnel). Offre de preuves supplémentaires : condamnation judiciaire pour des contrôles discriminatoires gare du Nord en 2017, rapport du Défenseur des droits, rapport de la Commission européenne, rapport du déontologue du ministère de l'Intérieur (comme quoi, ces rapports sont utiles), et témoignages de flics.
J'identifie un point craignos : c'est par absence de trace administrative des contrôles d'identité et de leur motif que les preuves sont jugées suffisantes. Vers un fichier des contrôles d'identités rempli de motif bidons pour les justifier ?
Le recours échoue par la nature des mesures exigées : les assos demandent des modifications législatives et/ou profondes (supprimer telle disposition, ajouter des critères dans tel article, crée une autorité indépendante de contrôle, imposer la remise d'un récépissé, changer le contenu des formations, renforcer la réponse disciplinaire, etc.). Tout cela est vague et hautement politique. Le juge n'a pas compétence pour définir une politique publique ni pour faire modifier la loi. En comparaison, dans le recours sur le non-port du RIO, les assos demandent pour « toute mesure utile », le changement d'une caractéristique technique du bandeau sur lequel est inscrit le RIO, le port du RIO (qui est déjà prévu par la loi), etc.
Au moins le Conseil d'État reconnaît des contrôles au faciès qui ne se limitent pas à des cas isolés, et donc un manquement du ministère de l'Intérieur (qui ne prend pas les mesures utiles pour les stopper dans un objectif de conformité à la loi).