À Rouen, le candidat LREM aux municipales, Jean-Louis Louvel, utilise le journal Paris Normandie dont il est le patron, le club de rugby local dont il a pris le contrôle et sa société commerciale afin de verdir sa façade et tacler les candidats concurrents. C'est du propre… Ça se range avec les rachats de Nice-matin et d'Azur-TV pour, semble-t-il, des motifs électoralistes.
Un patron de presse peut-il s’engager en politique sans nuire à l’image de sa publication ? Non, a répondu Frédérick Cassegrain, le directeur de « Paris Normandie » — le quotidien régional hégémonique à Rouen. Mauvaise pioche : la semaine dernière, le propriétaire du journal l’a viré sans ménagement. Jean-Louis Louvel, qui a pris le contrôle de « Paris Normandie » en 2017, s’est en effet senti pousser des crocs au début de l’été. Objectif : chiper la mairie de Rouen au maire socialiste sortant. Fin août, Louvel a obtenu l’investiture de LRM.
Galeries la Palette
Cette allégeance au parti macroniste ne l’a pas empêché de se dépeindre, le 29 août, comme le grand défenseur de l’indépendance de la rédaction. « Mes journalistes (sic) ne peuvent pas être plus libres qu’ils le sont maintenant », affirmait-il à un site local, avec ce sens de la propriété fleurant bon la Normandie de Maupassant.
Il évoquait aussi « ses » salariés d’une boîte de fabrication du palettes et, surtout. « ses » joueurs du club de rugby de Rouen, dont il a également pris le contrôle. Utiliser ce club pour ferrailler, via les colonnes de « Paris Normandie », avec les maires de gauche de l’agglomération rouennaise ? Pas de ça chez lui ! Ce même 29 août, il assurait qu’il plaquerait bientôt ses fonctions ovalistes, histoire de ne pas tomber dans un vulgaire conflit d’intérêts.
Cadrage-dêbordement deux mois plus tard : le patron de « Paris Normandie », Jean-Louis-Louvel, offre une pleine page à Louvel Jean-Louis, le rugbyman. Lequel tape sur le maire communiste d’une cité de la communauté d’agglomération Rouen-Métropole, dont il convoite aussi la présidence. L’insolent avait refusé d’engager sa commune de 2 500 habitants dans la construction d’un stade de rugby neuf, de 10 000 places assises et couvertes. Entre patron de presse, président de club et candidat macromiste, il faut bien s’entraider…
Et, surtout, ne pas oublier le riche fabricant de palettes ! Celui-ci lancera ces prochains jours une opération consistant à planter des arbres. Ce projet écolo, qui valorisera le candidat à la mairie, sera porté par le journal. Les chanceux lecteurs de « Paris Normandie » vont pouvoir, avant les élections, admirer régulièrement la binette de Louvel dans leur quotidien favori. Les journalistes chargés de couvrir les municipales vont se régaler.
Dans le Canard enchaîné du 6 novembre 2019.