La centrale nucléaire de Fessenheim stoppera ses activités en juin 2020. Il ne s'agit pas d'une fermeture pour vétusté, mais d'une fermeture anticipée désirée par l'État. Le contribuable devra donc verser 400 millions d'euros à EDF ainsi que la somme correspondante à la vente de l'électricité qui aurait pu être produite jusqu'en 2041, date de fermeture envisagée par EDF… Comme si cette centrale pouvait tenir encore 22 ans sans investissements supplémentaires et sans être un danger. Ajoutons cela à la facture cachée du nucléaire français.
Chers frères en Atome, enfin ! Depuis longtemps, nous redoutions cette épreuve : la fermeture de la centrale originelle, celle de Fessenheim. Elle est la plus ancienne de toutes celles en activité. Son premier réacteur de 900 MW, couplé au réseau en 1977, fermera le 22 février prochain. Le second, de même puissance, couplé en 1978, fermera le 30 juin. En acceptant cet arrêt, mieux, en le réclamant, notre Sainte Mère l’Eglise EDF a opéré un grand miracle.
Avouons-le, mes chers frères, cette très vieille centrale était éreintée. Jamais elle n’aurait réussi à passer la VD4, la quatrième visite décennale de sécurité, obligatoire pour tout réacteur ayant dépassé les 40 ans. Nous n’égrènerons pas ici la liste interminable de tous les maux qui l’accablent, dûment identifiés par nos frères inquisiteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)… Mais sachez qu’elle était percluse d’équipements non conformes (ainsi son radier trop mince et ses piscines non bunkerisées), farcie de matériaux et d’équipements obsolètes (ainsi les joints des 163 traversées du bâtiment réacteur).
Ajoutez à cela ses deux grands risques spécifiques, un risque sismique, qu’elle était loin d’être prête à affronter, et le risque d’être submergée par le grand canal d’Alsace, qui la surplombe de plus de 8 mètres, et avouez-le : il aurait été ruineux de la rustiner sans cesse.
Notre Sainte Mère EDF le savait bien, qui s’est abstenue de l’équiper de ces fameux « diesels d’ultime secours » obligatoires après la diabolique erreur de Fukushima (la date butoir était fin 2018). Sur ce péché pas vraiment véniel, nos frères compatissants de l’ASN ont bien voulu fermer les yeux… Reconnaissons-le en toute humilité : lors dela très proche VD4, ils n’auraient pas hésité à arrêter les deux réacteurs de Fessenheim pour leurs multiples manquements à la sécurité. Cela aurait nui à notre Sainte Réputation et aurait fait pâlir la très verte auréole du président Macron.
Et c’est là que, miracle ! par l’opération du Saint-Esprit Atomique, EDF et le gouvernement se sont entendus pour présenter cet arrêt comme une « fermeture anticipée ». Ils ont signé un protocole qui prévoit que l’Etat et, donc, ces mécréants de contribuables devront, pour commencer, lui verser cash une belle obole de 400 millions d’euros. Ô divine surprise, l’Etat s’engage aussi à offir à notre Sainte Mère, dans les années qui viennent, l’équivalent de ce qu’elle appelle son « manque à gagner ». C’est-à-dire les deniers que lui aurait rapportés l’électricité produite par Fessenheim jusqu’en 2041. Comme si ces deux vieux réacteurs allaient tenir sans faillir vingt années de plus ! Une durée de vie de presque 65 ans qu’aucun texte sacré n’a jamai prévue.
Cette électricité nucléaire purement virtuelle, donc enfin sûre et enfin propre, va renflouer les caisses d’EDF… Le miracle pourra se poursuivre avec les prochains arrêts prévus par le gouvernement. Bref, la meilleure façon de sauver EDF au bord de la faillite est d’arrêter tous ses réacteurs !
Dans le Canard enchaîné du 9 octobre 2019.