En 4 ans, l'État a """"injecté"""" 7,5 milliards d'euros dans EDF, mais, devant le coût du nucléaire, EDF va être divisée en deux. Une partie commerciale et une structure de défaisance qui sera nationalisée afin que le contribuable éponge les dettes puisque Saint-Marché n'y parvient pas.
Les EPR coûtent plus cher que prévu, les générateurs à vapeurs des centrales actuelles ont des défauts, EDF a provisionné un démantèlement a minima des centrales en espérant que le choix du nucléaire sera reconduit ad vitam æternam (ce qui n'est pas faux puisque deux nouvelles centrales, dites EPR 2, sont prévues), et la gestion des déchets serait sous-évaluée (je doute sur ce dernier point et j'attends la décision de l'ASN au sujet des défauts des générateurs à vapeur).
5 milliards de plus pour l’EPR de Flamanville, 15 milliards de déchets non comptabilisés, 28 milliards pour démanteler les centrales…
Huit soudures défectueuses sur l’EPR de flamanville, des défauts de fabrication sur 28 générateurs de vapeur de 9 réacteurs nucléaires, une sons-estimation chronique du traitement et du stockage des déchets… n’en jetez plus ! L’addition de ces négligences et imprévus — certains tout récents — se chiffre en milliards. Et risque de rendre les comptes d’EDF radioactifs.
La direction du groupe a nommé Hercule le plan de scission de ses activités en deux filières — l’une atomique, l’autre commerciale ! Tel le demi-dieu romain avec ses écuries d’Augias, l’Etat, actionnaire d’EDF à 83,7 %, va nettoyer le groupe en confinant ses dettes au sein d’une structure de « défaisance » baptisée EDF Bleu. Cette dernière, nationalisée à 100 % et lestée de toutes les centrales nucléaires, devrait virer rapidement au rouge. Telle est la conclusion d’un Fukushima financier amorcé il y a une dizaine d’années.
Depuis 2015, l’Etat a bien injecté 3 milliards d’euros dans EDF sous forme d’augmentations de capital et a renoncé à 4,5 milliards d’euros de dividendes, mais ce colmatage n’a pas suffi. Et le détail des dépenses à venir donne le tournis.
EPR sous pression
L‘EPR de flamanville devait être la nouvelle vitrine du savoir-faire nucléaire français. Las ! de retards en surcoûts, la facture du chantier normand, évaluée à 3,3 milliards d’euros en 2007, a déjà été multipliée par cinq !
Cet EPR, comme d'autres, a été vendu à pas cher afin d'appâter de nouveaux clients. Sauf que les malfaçons, dues à une volonté politique de stopper le nucléaire après Tchernobyl qui a ralentit les filières en amont, et à un laisser-aller de l'État (le frère de Bolloré, ex-propriétaire du Creusot, fonderie des cuves défectueuses, a empoché 200 fois sa mise quand Areva a racheté l'usine pour palier à son incurie) ont fait se désister les futurs clients, ce qui a contraint EDF à augmenter le prix des EPR déjà contractualisés.
Officiellement, la douloureuse s’élève désormais à 10,9 milliards d’euros. Sauf que ce montant ne tient pas compte des intérêts dits « intercalaires » (à acquitter avant de débloquer le prêt). Comme l’indique la note 22 en appendice du document de référence d’EDF, le véritable chiffre est de 12,48 milliards fin 2018. Le bilan des trois exercices précédents montre que le coût de flamanville augmente chaque année de 1 milliard d’euros.
Or, consécutivement à la découverte de huit nouvelles soudures défectueuses, la livraison de l’EPR vient d’être reportée à 2022. Trois ans de plus, cela signifie 3 milliards d’euros supplémentaires… et une addition d’au moins 15,5 milliards à prévoir.
Générateurs mités
Bon pour 2022, l’EPR ? Rien n’est moins sûr ! Le 18 septembre, EDF a déclaré que des défauts de soudure avaient été détectés dans 23 générateurs de vapeur, dont 16 dans des centrales en activité (Bugey, Paluel, Dampierre, etc.) et 4 dans la future centrale de flamanville !
« Les écarts constatés ne remettent pas en question l’aptitude au service des matériels et ne nécessitent pas de traitement immédiat », rassure EDF. Qui avait manié la même langue de béton armé au sujet du couvercle de l’EPR de flamanville. Lequel devra finalement être remplacé avant 2024 ! L’Autorité de sûreté nucléaire tranchera. Selon les experts, un générateur de vapeur coûte 50 millions d’euros en moyenne. S’il fallait tous les remplacer, la dépense atteindrait plus de 1 milliard d’euros. Pas étonnant que l’électricien ait des vapeurs…
Déchets minés
Le 10 septembre, Greenpeace a publié une étude sur les « coûts cachés des déchets nucléaires ». Selon l’ONG, la distinction opérée par EDF entre « déchets » radioactifs et « matières nucléaires » (uranium enrichi ou issu du retraitement de combustibles usés, etc.) fausse les calculs. Ces « matières », en effet, sont considérées comme potentiellement valorisables. EDF, indique Greenpeace, profiterait de ce flou réglementaire pour sous-estimer de 15 milliards d’euros le coût de la gestion et de l’entreposage de l’uranium.
« Nous n’avons pas attendu Greenpeace pour faire les provisions nécessaires », s’agace Olivier Giraud, directeur de la gestion des déchets d’EDF. Ce que conteste l’ONG. Circonstance aggravante, l’abandon du projet Astrid, réacteur destiné a « brûler » les matières radioactives issues de la production des 58 réacteurs français (ainsi que le plutonium extrait des combustibles usés), laisse en plan pas mal de résidus nucléaires. Il faudra bien les entreposer quelque part, et ce ne sera pas gratuit…
Nuisances sous le tapis
Le rapport de la Cour des comptes consacré au cycle du combustible nucléaire, publié en juillet, critique vertement les manœuvres d’EDF pour se débarrasser de la gestion d’anciens déchets… En échange d’un versement de 1,14 milliard d’euros, l’énergéticien a refilé, en 2004, ces rebuts au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), une structure publique qui n’intéresse pas les marchés… Ce n’était pas un cadeau ! En 2017, le CEA a constaté que la gestion de ces déchets lui avait coûté 2,22 milliards d’euros, soit 60 % de plus que prévu ! Mais cela n’apparaîtra pas dans les comptes d’EDF…
Hum… 1,14 + 60 %, ça ne fait pas 2,22 milliards. 1,4 + 60 %, ça fait 2,24. Une différence d'environ 300 millions. Était-il prévu, dès le début et sans évoquer le surcoût, que le CEA soit déficitaire de 300 millions d'euros dans cette manip' ?.
ÉDIT DU 26/10/2019 À 21 H 50 : pour répondre à la plainte de Johndescs, j'utilise la véritable formule de calcul. Hum… 1,14 + 60 %, ça ne fait pas 2,22 milliards. 2,2 / 1,6 = 1.39 (environ). 1.39 - 1,14 = 250. Il y a donc une différence de 250 millions d'euros. Était-il prévu, dès le début et sans évoquer le surcoût de 60 %, que le CEA soit déficitaire de 250 millions d'euros dans cette manip' ? FIN DE L'ÉDIT.
Démantèlement qui ment tellement…
Dans leur rapport d’information du 1er février 2017 , les députés Julien Aubert et Barbara Romagnan avaient montré qu’EDF ne provisionnait que 350 millions d’euros pour le démantèlement d’un réacteur, soit 20 milliards d’euros pour les 58 tranches. Les exploitants européens, eux, estiment plutôt le coût entre 900 millions et 1,3 milliard d’euros l’unité. Pourquoi cet écart ? L’électricien veut croire que de nouvelles centrales repousseront sur ces sites. Il n’envisage donc qu’une décontamination a minima. « On constate que le coût global du démantèlement du parc français pourrait être 2,4 fois supérieur à l’estimation fournie par EDF », écrivaient les rapporteurs. Ce qui augmente la dépense de 28 milliards.
Du moment que ce sont les générations futures qui paient…
Dans le Canard enchaîné du 25 septembre 2019.