De graves lacunes dans la sécurité d’un aéroport. Les fragilités d’un port de plaisance. La consultation de sites djihadistes… Ces alertes, actionnées — en pure perte — par les flics de Marseille, ont conduit, le 20 novembre, à la descente de deux commissaires venus de Paris pour auditer le renseignement territorial des Bouches-du-Rhône. Le patron de la sécurité publique s’étonnait de la maigreur (et de l’indigence) des notes produites par le plus gros service de renseignement départemental de France (111 poulets)…
Une semaine durant, les deux émissaires, épaulés par un collègue local, ont épluché les archives du service. Ils n’ont pas été déçus… Le chef du rens’ marseillais gardait dans ses tiroirs un tas de notes sensibles, sur l’islam radical, notamment, et sur le risque terroriste. Autant de soucis en moins pour le responsable de la sécurité publique du département, le préfet de police de Marseille et, bien sûr, la Place Beauvau. Autant de paperasse épargnée à la base de données Agec, utilisée par tous les agents du renseignement territorial…
Ben, il fallait faire diminuer les chiffres de la criminalité, non ?
Balance ton port ?
Ainsi cette note de cinq pages (16 novembre 2015) rédigée par le « groupe islam » sur les failles de sécurité de l’aéroport Marseille-Provence, où œuvrent 150 entreprises sous-traitantes. Les badges donnant accès aux pistes ou aux coulisses de l’aéroport y sont accordés, explique le document, avant même la fin de l’enquête de police et ne sont pas retirés immédiatement en cas de veto. Mieux : certains employés se feraient remplacer par un ami, un frère ou un cousin. Résultat ? Le badge se retrouve « en possession d’inconnus à la dangerosité de facto non évaluée », précisent les flics du renseignement.
Le doc pointe également une zone aéroportuaire mitoyenne des pistes d’envol où « il semble relativement facile » d’introduire « un engin explosif à l’intérieur d’un carton reconditionné, lequel franchirait le grillage pour être ensuite embarqué ». Et que dire de cette note passée à la trappe qui, en juillet, révélait deux points de vulnérabilité en cas d’attaque terroriste sur le terminal du port de Marseille accueillant les bateaux de croisière ? Une vraie galère.
Salade niçoise
Les flics, qui en avaient ras les plumes de pondre des rapports pour rien. ont tout raconté aux commissaires chargés de l’audit. Ce qui a mis le feu au poulailler, c’est une enquête, menée en octobre 2016 par le groupe islam, sur la consultation de sites salafistes au sein d’une bibliothèqne municipale. Deux suspects ont été identifiés. Huit mois plus tard, on a appris que l’un des deux avait abreuvé le président d’une association catho niçoise d’insultes et de slogans djihadistes du genre « La France, on la mettra à genoux, inch’Allah ».
Alertés, les flics marseillais se sont révélés incapables de ressortir la fiche. Normal elle n’avait jamais été enregistrée par leur taulier ! En déclenchant une enquête interne au lieu de saisir la police des polices, le boss de la sécurité publique espérait ne pas ébruiter l’affaire.
C’est gagné.
C'est le côté positif (et négatif) des lois sécuritaires : grâce à l'éternelle faillibilité humaine, on a une probabilité non nulle de passer à travers leurs mailles liberticides, même si elles sont renforcées année après année.
Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.