J'ai regardé c'te daube audiovisuelle bien orchestrée, bien contrôlée et bien verticale (journaliste > citoyen en terme de rabe de questions et de temps de parole) au motif qu'il faut toujours écouter ses ennemis pour prévoir la merde à venir. Et là, en filigrane, on a appris des choses et des intentions intéressantes.
Je retiens :
* François Hollande qui s'exprime sur la déchéance de nationalité : l'émotion a gagné la classe politique (ça, OK, on est tous humain-e). Toutes les personnes présentes au Congrès étaient favorables à cette mesure car personne n'a pas applaudi, dixit le président (excuse vaseuse "c'pas moi, y en avait d'autres, aussi !"). Si le texte avait été soumis au Parlemennt à ce moment-là, il aurait été adopté (Ha ! D'où l'importance de NE PAS légiférer dans l'urgence, dans l'émotion ! Ce qu'on dit depuis le début, quoi). Pour le Président, ce texte a échoué uniquement à cause des calculs politiques (c'est aussi mon sentiment, on n'était pas dans un rejet, sur un vote fort, un vote de conviction voir
http://shaarli.guiguishow.info/?Uwv79A). François Hollande voulait des mesures fortes et symboliques. Les mesures fortes, ça a été l'état d'urgence. Symbolique, c'était la déchéance de nationalité, c'était vouloir l'unité nationale en punissant les Français qui tuent d'autres Français afin que n'éclate pas une sorte de guerre civile (L-O-L, tout ça pour juste détourner l'attention et cristalliser encore plus les tensions dans les quartiers sensibles, GG gros, belle stratégie !).
* À une mère dont le fils s'est converti à l'islam radical, est parti faire le djihad et est mort sur le terrain, le Président évoque Internet. La mère répond que 95 % des personnes qui se radicalisent le font par un proche en dehors du net. Chose que le Président reconnaît, le net sert ensuite à alimenter à distance le radicalisé et à communiquer avec lui. C'est pour ça que le gouvernement fait le ménage d'un certain nombre de sites. La mère demande à ce que le ménage soit amplifié sur Youtube, Twitter & co au niveau mondial car il n'est pas admissible que, quand on signale un contenu problématique, le fournisseur de service réponde que le contenu ne contrevient pas à la charte de la communauté, dit-elle. François Hollande répondra qu'en France, on fait très attention, pas le peine de renforcer l'arsenal législatif mais que oui, il faudra voir ce que l'on peut faire au niveau de l'Europe.
Perso, je note :
* Décalage entre la réalité des lieux de radicalisation et les fantasmes du méchant Internet ;
* Une volonté de censure de la part des proches de victimes ce qui ne résout pas le problème : la censure = fermer les yeux et puisque le premier contact vers la radicalisation se fait en dehors du net, alors il sera toujours possible de fournir des infos (ou Tails ou autre) à un radicalisé pour contourner la censure. De plus, contraindre les fournisseurs de services (propos tenus par la mère) et les hébergeurs (propos tenus par le Président) à censurer tout au moindre signalement, c'est créer une censure de droit privée qui est juste inadmissible.
* Le Président était en mission de reconquête de sa popularité donc ses propos sur "pas besoin de renforcer l'arsenal législatif *français*", je n'y crois pas une seconde. Alors si en plus la France pousse l'UE a pondre une directive, on n'est pas sorti de l'auberge en ce qui concerne les libertés. :(
* J'ai adoré les éditorialistes qui, dans le débat suivant l'échange avec le Président (débat voulu par France 2 pour ne pas donner l'impression de servir la soupe comme au temps de l'ORTF, dixit ce qui se dit en interne selon le Canard enchaîné du 13/04), ont dézingué l'étudiant en école de commerce qui a voté Hollande en 2012 et qui est déçu et qui participe à Nuit Débout sous prétexte qu'il se plaint que la jeunesse n'est pas entendue mais que quand Hollande veut bouger pour la jeunesse avec le projet de loi travail qui se propose de fluidifier le marché du travail et de permettre l'insertion des jeunes dans le marché du travail, boom, la jeunesse sort dans la rue. Ça révèle à quel point les gens vont mal : t'as le choix entre travail ou chômage, pas question de discuter des conditions de travail ni d'émancipaation du travail ni du chômage structurel croissant.
Pour le côté anecdotique, j'ai adoré les citoyens sélectionnés pour questionner le Président et notamment :
* Une entrepreneuse d'une société de moins de 50 salariés qui veut recruter du précaire sans le dire qui se plaint qu'elle a le droit à 3 stagiaires par an uniquement, qu'elle ne peut pas proposer des CDI à temps partiel car ils doivent représenter 24h et elle peut proposer uniquement 20h mais y'a plein de candidat-e-s qui réclame ces 20h, et les CDD, elle ne pourra plus à cause de la loi El Khomri qui taxera les CDD (ce qui est déjà le cas pour les CDD de moins de 3 mois mais qui n'est pas une obligation mais un accord interpro). Celle-ci a permis à Hollande de jouer sa partition "je suis l'ami des salariés, contre la précarité et contre les patrons".
* Le père de famille moyen, désespéré, qui a voté gauche puis droite puis extrême-droite et qui ne sait plus quoi faire, en gros. Il a permis à Hollande de faire de la pédagogie sur migrants versus immigrés, de placer un tacle joliment formulé à l'encontre du FN (le remède pire que le mal). On ne sait pas du tout l'homme de paille, comme pour l'entrepreneuse. :')
* Un étudiant en école de commerce qui a voté Hollande en 2012 et qui se sent déçu. Au moment où la jeunesse est dans la rue et fait peur au gouvernement, avoir un jeune dans une parodie de débat politique, c'est bien tenté mais ça rappelle Mitterrand et Balavoine (voir
https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Balavoine#1980-1981_:_Un_autre_monde et
http://www.ina.fr/video/I00000219).