+ Attention, les faits datent d'il y a plus de 10 ans.
Les requérants font partie du « Collectif Palestine 68 », qui relaie localement la campagne internationale « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » (« BDS »). Cette campagne a été initiée le 9 juillet 2005 par un appel émanant d’organisations non-gouvernementales palestiniennes, un an après l’avis rendu par la Cour internationale de Justice selon lequel « l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international ».
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Le procureur de la République de Colmar cita les requérants à comparaître devant le tribunal correctionnel de Mulhouse pour avoir, entre autres, provoqué à la discrimination, délit prévu par l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881.
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La cour d’appel de Colmar a cependant infirmé ce jugement, considérant que les requérants avaient « provoqu[é] à discriminer les produits venant d’Israël », incitant les clients à ne pas acheter ces marchandises en raison de l’origine des producteurs, lesquels constituaient un « groupe de personnes » appartenant à une « nation » déterminée, Israël. Elle a ensuite souligné que la provocation à la discrimination ne relevait pas du droit à la liberté d’opinion et d’expression dès lors qu’elle constituait un acte positif de rejet à l’égard d’une catégorie de personnes, se manifestant par l’incitation à opérer une différence de traitement.
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La Cour observe que l’appel au boycott combine l’expression d’une opinion protestataire et l’incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d’autrui. Or, l’appel à la discrimination relève de l’appel à l’intolérance, lequel, avec l’appel à la violence et l’appel à la haine, est l’une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression. Toutefois, inciter à traiter différemment ne revient pas nécessairement à inciter à discriminer.
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La Cour relève cependant que, tel qu’interprété et appliqué en l’espèce, le droit français interdit tout appel au boycott de produits à raison de leur origine géographique, quels que soient la teneur de cet appel, ses motifs et les circonstances dans lequel il s’inscrit.
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La Cour a souligné à de nombreuses reprises que l’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général. Par nature, le discours politique est souvent virulent et source de polémiques. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance. La Cour en déduit que la condamnation des requérants ne repose pas sur des motifs pertinents et suffisants. Elle n’est pas convaincue que le juge interne ait appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 et se soit fondé sur une appréciation acceptable des faits.
Bref, la CEDH a appliqué sa jurisprudence habituelle.
Via Liberté d’expression : des menaces toujours plus grandes.