Gee nous parle d'un possible effondrement de la civilisation causé par le dérèglement climatique couplé à l'épuisement des énergies fossiles couplé à l'épuisement des matières premières dont celles nécessaires pour nos bidules électroniques, l'amoindrissement de la biodiversité, une crise financière permanente, etc. Il y a aucun changement de société à l'horizon : ni abandon de la croissance, ni réduction drastique de l'activité humaine, ni partage des ressources, ni utilisation massive d'énergies alternatives.
Si on prend des mesures concrètes pour limiter la catastrophe et s'y préparer, la société se casse la gueule dans la minute ; si on ne le fait pas, elle finira quand même par se casser la gueule, mais en plongeant de plus haut et donc plus violemment.
‒ La montgolfière est hors de contrôle ! Il faut sauter maintenant !
‒ Mais on va se faire super-mal !
‒ La montgolfière ne peut plus redescendre doucement ! Plus on attend, plus la chute sera rude !
Gee résume ainsi le meilleur et le pire de l'humain⋅e : son immense capacité à espérer (que tout ce merdier va se résoudre de lui-même, par exemple) et son immense lâcheté (fuir le problème, laisser la génération suivante le traiter, par exemple).
La « collapsologie (de « collapse », « s'effondrer ») consiste non seulement à analyser les causes de l'effondrement, tenter d'en prévoir les effets concrets sur les populations humaines… mais aussi imaginer un après, car construire un autre monde (que nous espérons meilleur) sera non seulement enfin possible, mais carrément impératif !
Ce qui est porteur d'espoir, c'est que pas mal de gens (conscients ou non de la catastrophe qui vient) cherchent déjà des alternatives. Il n'y a qu'à voir la multiplication des initiatives comme Alternatiba, les jardins partagés, les initiatives pour relocaliser l'économie, AMAP, etc.
Ce n'est rien à l'échelle de l'économie mondialisée sur le point de craquer, mais je suis persuadé que ce seront par la suite des initiatives capitales pour ne pas sombrer dans le chaos.
Et c'est en cela que les mouvements autour du logiciel libre et des communs (comme Framasoft dont je fais partie) sont aussi importants : pas tant pour le « logiciel » - qui n'existera peut-être plus dans un futur proche - que pour le « libre » !
Les « qualités » valorisées par le capitalisme (esprit de compétition, réalisation individuelle, « que le meilleur gagne ») seront inutiles et même contre-productives dans une société post-effondrement où la recherche de l'abondance sera définitivement enterrée. Celles du partage, de l'entraide, de la collaboration, de la contribution, seront vitales !
Mon avis sur la collapsologie :
- Je partage le constat (l'humanité est dans la merde)… Mais pas l'échappatoire ;
- Mon premier point de désaccord est que rien dit que l'humanité doit (sur)vivre. Pourquoi devrait-elle (sur)vivre plus ou moins qu'une autre espèce animale ? Parce qu'elle est une espèce pensante ?! C'te blague ! En écrivant cela, je ne fais pas référence à un quelconque destin morbide pré-écrit au sens prophétique, mais simplement à l'évolution des espèces : rien permet d'affirmer que nous ne sommes pas en train de nous autodétruire voire de détruire plus largement autour de nous """"comme prévu"""". À ce sujet, lire : L’humanité a-t-elle trouvé le sens de la vie ? ;
- Mon deuxième point de désaccord est que je ne crois pas que les tares de l'humanité, celles qui nous ont conduit au bord de ce gouffre, disparaîtront avec l'effondrement. Par « tares », j'entends : esprit de compétition, nécessité de se réaliser en tant qu'individu au détriment du collectif, nécessité de faire appel à l'intérêt personnel pour faire faire quelque chose à quelqu'un, incapacité mentale de l'humain⋅e à préparer le futur, échec de l'autogestion et nécessité d'une structure hiérarchique punitive pour faire faire quelque chose à quelqu'un y compris dans un contexte privilégié (ingénieur, haut salaire, etc.), un groupe social prend toujours la plus mauvaise décision possible, l'humain⋅e n'est pas une espèce qui se soucie des autres et qui est sociale au sens de la fourmi ou de l'abeille. On peut croire que ces défauts, qui se constatent dans la vie quotidienne, au travail comme dans l'associatif, disparaîtront magiquement, mais c'est une croyance comme une autre. Benjamin Bayart nous invite, dans ses conférences, à considérer qu'Internet n'est pas un concept externe à la société introduit parmi nous par on ne sait qui et qui déforme la société contre son grè, mais comme un outil inventé par l'humanité pour répondre le mieux possible à un besoin (de communication, de diffusion des connaissances). De même, je me demande de plus en plus si le libéralisme économique et le capitalisme ne sont pas des concepts implémentés et pratiqués par l'humanité, car ils répondent à un besoin. Ainsi, ils ne nous sont pas imposés, ils sont la moins mauvaise manière que nous avons de faire société. La société post-effondrement sera tout aussi défaillante que l'actuelle, on y fera de nouvelles idioties ;
- Mon troisième point de désaccord est que la collapsologie apporte aucune réponse au problème de la trahison, qui est ce qui freine actuellement la mise en application de solutions concrètes avant l'effondrement (et qui est basée sur la volonté de se réaliser individuellement, une des tares évoquées au point précédent). J'entends par trahison le fait, qu'au niveau individuel, personne a envie de faire un effort pour changer son mode de vie, car il n'a pas la certitude que les autres feront de même et que si ce n'est pas le cas, alors les personnes qui ont tenté de changer ont perdu (du temps, de l'énergie, du confort, etc.) sans aucun résultat. Cela s'apparente au dilemme du prisonnier. De même, comment gérer le groupe de gens qui refusera le nouveau modèle de société ? On les laissera crever dans leur coin ? Vraiment ? Même les humanistes au grand cœur (et il en faut !) ? Si ce groupe-là détient le pouvoir et/ou des moyens de coercition (comme des flingues, une menace de mort en a fait reculer plus d'un⋅e), les collapsologues s'écraseront bien bas et le nouveau modèle de société sera tout aussi défaillant que l'actuel. Il ne faut pas croire que la descendance de Bernard Arnault, par exemple, suivra les zolies idées choupinous des collapsologues, pas plus et pas moins que la descendance de membres du FN. Du coup, l'esprit de collaboration risque d'en prendre un rude coup. L’effondrement potentiel de la civilisation provoquera le renouvellement de la classe dominante, mais pas sa disparition : les dominant⋅e⋅s actuel⋅le⋅s se battront sans relâche dans un combat asymétrique afin de conserver le mode de vie qui garantit leur puissance et de nouveaux dominant⋅e⋅s émergeront de ce fracas, mais rien ne dit qu'ils vaudront mieux que les dominant⋅e⋅s actuel⋅le⋅s. On peut espérer, mais ce n'est qu'une croyance ;
- Mon quatrième point de désaccord est que la collapsologie apporte environ rien de nouveau, les idées sont celles rabâchées par les altermondialistes depuis 40 ans. Elles n'ont pas pris en 40 ans, mais l'effondrement changera évidemment cet état de fait. Lol ;
- Mon cinquième point de désaccord, maintes fois rabâché ici-même est qu'il y a beaucoup de gens qui jactent, mais très peu qui agissent. J'aime bien évaluer la crédibilité des gens qui me tiennent un discours écolo : est-ce qu'ils laissent des appareils électriques branchés en permanence (y compris le voyant lumineux d'un bidule électronique, une horloge, une box) ? Ça consomme inutilement de l'énergie que nous n'avons plus. Sont-ils accrocs à des bidules électroniques (comme un téléphone portable, Internet, etc.) ? Le renouvellement régulier de ces matériels consomme des matières premières que nous n'avons plus. Se déplacent-ils seuls dans leur voiture personnelle de manière régulière ? Cela consomme des matières premières que nous n'avons plus. Vont-ils à la laverie automatique libre service et à l'imprimerie du coin, et, de manière générale, essayent-ils de louer les appareils qu'ils utilisent peu, plutôt que de les posséder ? Cela consomme des matières premières que nous n'avons plus, donc nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir chacun⋅e des appareils inutilisés 98 % du temps. Désirent-ils habiter dans un immeuble collectif de petite taille ou dans une maison de xxx m² rien que pour eux ? Cela repose sur le crédit donc l'endettement et cela consomme des espaces verts qui seraient plus utiles qu'une maison. Veulent-ils des enfants ? Le nombre de places sur Terre est limité. Etc., etc. Pour l'instant, personne valide ces critères, même de manière occasionnelle. Le chemin est encore long. Personne a envie de faire des efforts (à cause du troisième point ci-dessus, je pense). Pourtant, il n'y a pas d'issue sans privations drastiques ;
- En résumé : je n'ai pas envie de faire des efforts à tenter quoi que ce soit dans les conditions précédemment énoncées, car c'est beaucoup d'efforts pour peu de résultat et la probabilité d'échec ou de trahison est très élevée. La flemme. Mieux vaut faire un taff pas trop pénible, consommer, se gratter les couilles devant la TV et s'faire une petite levrette de temps en temps. Tranquille. Pas de prise de tête. Attendons béatement l'extinction de notre espèce.