Excellente vidéo qui résume bien les dangers de la robotisation de la censure privée ainsi que les problèmes de flous juridiques auxquels doivent faire face les auteur-e-s de vidéos.
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Content ID : les vidéos uploadées sur Youtube sont automatiquement comparées à une base de données d'empreintes de vidéo/image/son fourni par des détenteurs de droits sur des contenus. Il s'agit donc d'une censure privée et aveugle. Si Content ID détecte quelque chose, le détenteur des droits de l'œuvre reproduite peut :
- Monétiser la vidéo à son propre compte, c'est-à-dire voler la thune d'un-e auteur-e. Toute la thune, pas juste un pourcentage comme le prévoit la loi française ;
- Bloquer le contenu dans un ou plusieurs pays ;
- Distribuer un avertissement au Youtubeur fautif. Au bout de 3 "strikes", c'est une fermeture du compte, suppression des vidéos, etc.
- Sauf que le robot Youtube ne peut pas détecter les usages légitimes de contenus protégés : droit français à la caricature, droit français de citation, fair use américain, etc. Il y a un flou juridique (pas de décision de justice définitive) pour savoir si le droit de citation français s'applique à une vidéo et quelle serait la limite temporelle de cette citation. Par contre, il n'y aucun doute sur l'existence droit à la caricature en droit français. Le droit français ne prévoit rien pour tout ce qui est détournement et transformation autre que caricature comme les fameux mash up. Les fan-fiction qui ne seraient pas des caricatures auraient quelques problèmes aussi… … …
- Youtube a mis en place des procès virtuels Youtube pour contester une des mesures énoncées ci-dessus. Sauf que le détenteur des droits, celui qui est soit disant "volé" est juge et partie au procès et n'a pas besoin de motiver sa décision. La grande classe.
- Une étude américaine (https://boingboing.net/2016/03/30/landmark-study-on-the-effects.html ) a montré que les abus de droit d'auteur ont un effet néfaste sur la liberté d'expression. Sans blague ?!
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Il y a des abus en masse, que ça soit sur des caricatures, des critiques (droit de citation) ou de la pédagogie. Même pour 8 secondes de vidéo (soit 0,36 % de l'œuvre) situé après le générique (qui a donc été vu par moins de 20 % des personnes qui ont visionné la vidéo). L'auteur peut être dépossédé de l'intégralité des revenus publicitaires qu'il perçoit sur la vidéo pour 8 secondes d'extrait ! De même, l'accès aux Youtube Space (lieux loués par Youtube avec décors, matos et tout) est refusé s'il y a usage d'extraits… Quelques abus célèbres :
- La vidéo Robocopyright de LQDN, qui parodie Robocop pour justement dénoncer cette robotisation de la censure privée se fait flinguer. Voir https://www.laquadrature.net/fr/les-robots-de-la-police-privee-du-copyright-attaquent-robocopyright
- Le gouvernement sort une vidéo pédagogique sur comment réagir en cas d'attentats. Un Youtubeur la parodie en apposant une bande son différente et se retrouve avec un contenu bloqué et un strike donné par… Canal+. On suppose que la chaîne d'infos iTÉLÉ a probablement diffusé la vidéo du gouvernement puis a injecté son taff dans Content ID… Même chose quand un parti politique diffuse son speech sur Youtube, qu'il est repris sur une chaîne de TV qui injecte le contenu dans Content ID. Et forcément, tout le monde va se renvoyer la faute : les ayants-droits accuseront Youtube de sur-blocage et Youtube accusera les ayants-droits d'avoir injecté des contenus dont ils n'ont pas les droits dans Content ID.
- Youtube a déjà bloqué plein de vidéos pour des bruits en fond sonore. Y compris pour des chants d'oiseaux… … …
- Le Youtubeur moyen s'écrase car il n'a pas la thune pour aller contester devant un vrai tribunal surtout quand il n'est pas sûr de gagner vu les flous juridiques énoncés plus haut. Il y a donc une inégalité dans l'accès à la liberté d'expression : il faut avoir du blé ou une grosse communauté (donc de la visibilité) pour pouvoir se défendre. Il y a donc une majorité d'abus qui passe inaperçue…
- Content ID est un système créé par les hébergeurs pour résister aux ayants-droits. La LCEN (France) ou le DMCA (USA) permettent aux ayants-droits de bombarder les hébergeurs de demandes de retrait de contenus en invoquant la responsabilité des intermédiaires techniques prévue dans ces textes.
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Pistes d'amélioration :
- Que les producteur-rice-s se regroupent pour créer une sorte de fond de défense afin d'aller au tribunal dans le but d'avoir une jurisprudence claire ;
- Lobbying auprès des élu-e-s pour clarifier la loi et ajouter de nouvelles exception au droit d'auteur.
- Système de répartition des droits afin de négocier les droits pour le moindre bout d'extrait. Attention cependant aux dérives du secteur privée : cela signifie que l'on n'utilise plus les exceptions au droit d'auteur prévues par la législation. Il y a donc une monétisation accrue pour certaines personnes et une diminution des libertés pour d'autres personnes.
- Héberger soi-même son contenu, en dehors des grosses plateformes qui feront toujours chier. Il faudra trouver un compromis entre la visibilité apportée par Youtube et la liberté apportée par la décentralisation.
- Autres dérives de la propriété intellectuelle (droit d'auteur mais pas que) : rubrique hebdomadaire « Copyright Madness » sur Numerama.
https://www.youtube.com/watch?v=JWQLhBVuuB4 :
- « Major : des mecs déjà riches et bien portant qui se font du pognon sur des choses qu'ils n'ont pas fait ». :D
- Lorsque tu te prends un "strike", tu dois répondre à un questionnaire. Tant que tu n'as pas tout juste, tu ne peux plus uploader de vidéo. C'est de l'endoctrinement : il faut penser comme eux pour avoir le droit de faire des choses. :)
- N'importe qui peut "striker" n'importe quelle vidéo, sans preuve et sans démontrer qu'il détient bien les droits sur une œuvre qui serait plagiée dans la vidéo "strikée".
- Ce n'est pas du délire parano : il y a déjà eu des vidéos "strikées" alors qu'elles ne contenaient aucun extrait ni audio ni vidéo. Exemple dans la vidéo.
- Les dénonciations abusives ne sont pas sanctionnées, rien n'est prévu pour cela. C'est poutant une des dispositions prévues par la LCEN française.
- En attendant, les critiques et les détournements, ça permet de faire du buzz sur des merdes qui n'auraient jamais connues le succès, permettant aux contenus soit-disant "volés" de rapporrter de la thune. Là aussi, la vidéo regorge d'exemples.
Via http://hs-157.moe/shaarli-culture-tube-content-id