Le projet de loi de finances 2020 prévoit 1 073 suppressions d'emplois dans les administrations qui dépendent du ministère de la transition écologique : Météo France, agences de l'eau, agence de l'environnement, office pour la biodiversité, etc. Les syndicats calculent une baisse supplémentaire des effectifs de 5 % jusqu'à la fin du quinquennat. Qui pour piloter la transition ? Qui pour s'occuper des parcs nationaux ? Externalisation / privatisation. Le même projet de loi prévoit 274 suppressions d'emplois à la DGCCRF et 213 à la direction de l'alimentation alors que leurs effectifs respectifs ont déjà fondu de 20 % et de 11 % sur les 10 dernières années. Le nombre de contrôles sanitaires a diminué de 24 % sur la même période. Bref, la protection du consommateur et l'environnement ne sont toujours pas prioritaires.
On pourrait commencer par ranger le bazar. La DGCCRF et la DGAL ont des périmètres communs (lait en poudre = DGCCRF, lait liquide = DGAL). Il serait sain et efficace qu'une même agence gère l'intégralité de ces périmètres communs. Il faudrait aussi ranger les DDCSPP, agrégation des Fraudes, des vétos et de la jeunesse créées par le gouvernement Fillon : il faudrait instituer une même autorité de tutelle et rétablir l'autorité de la DGCCRF en région afin de renforcer ce protecteur des consommateurs.
La preuve que, désormais, « priorité est donnée à l’action écologique », c’est que, l’an prochain, le budget du ministère de la Transition écologique va augmenter, selon Elisabeth Borne, de 831 millions d’euros. Soit 2,6 % en plus. Beau geste, sauf que personne ne sait vraiment si ces sommes supplémentaires serviront la transition écologique (« Libération », 4/11). Pire : en même temps, le gouvernement prévoit d’y supprimer 1 073 emplois — d’après le projet de loi de finances 2020 publié le 27 septembre…
Vent debout, les syndicats du ministère notent que, « depuis cinq ans au moins », le ministère écolo subit des réductions d’effectifs. Francis Combrouze, de la CGT : « Nos services deviennent exsangues. » Et de prédire, à ce rythme, l’« extinction » du ministère. On n’y est pas encore, mais les syndicats (CGT, FO, CFDT et SNE-FSU) ont calculé que, d’ici à la fin du quinquennat, 4 961 postes supplémentaires seront supprimés, soit 5 % des agents de l’Etat et des établissements publics dépendant du ministère.
« L’écologie, ce n’est pas un service public mais une politique publique, se défend Bercy. Ce qui compte, ce n’est pas tant le niveau d’emploi que le budget » (« Le Monde », 13/9).
Et, bien sûr, une politique public se met en œuvre toute seule, sans pilotage et sans petites mains. :))))
Les syndicats du ministère, qui multiplient les actions depuis le printemps (manifestation, débrayage, rassemblement festif, die-in, pétition, etc.) et qui pourraient appeler à une nouvelle journée de mobilisation le 5 décembre, y voient, quant à eux, « un “verdissement” libéral » : « L’expertise technique, la connaissance et les données sont autant de marchés qui intéressent le privé. » Et d’ajouter que « la sous-traitance et le recours croissant à des contrats précaires deviennent la réponse aux problèmes d’efiectifs ».
Comme partout dans le public. Et, oui, c'est un problème.
D’un côté Météo-France vient d’acquérir un « supercalculateur » pour 144 millions d’euros, de l’autre on va lui supprimer près de 500 emplois dans les trois prochaines années, disent les syndicats. Le climatosceptique Trump, font-ils remarquer, « en supprime “seulement” 250 à l’agence météo US ». Les six agences de l’eau, quant à elles, en perdront 200. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 75. Le futur Office français pour la biodiversité (DFE), qui naîtra le 1er janvier de la fusion entre l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, sera amputé d’au moins 60 postes d’ici à trois ans. N’en jetez plus ! Conséquence, parmi d’autres, de ces coupes claires : un 11e parc national, de 240 000 ha, vient d’être créé, à cheval entre la Champagne et la Bourgogne, alors que les effectifs des parcs nationaux, rattachés à l’OFB, resteront constants l’année prochaine. Il se gérera tout seul ?
Dans une circulaire adressée l’an dernier à ses ministres et aux préfets de région, Edouard Philippe clamait que le rôle de l’Etat devait être réaffirmé, notamment en articulant ses missions relatives à l’environnement avec celles des collectivités et des opérateurs « de manière plus efficiente ». C’est bien connu : plus on vire les gens, plus on est « efficient »…
Les agents de la Répression des fraudes, chargés notamment de veiller sur la sécurité de notre assiette, vont bientôt savoir à quelle sauce ils vont être mangés. Depuis la mi-avril, trois Inspections générales, celles des finances, des affaires sociales et de l’intérieur, planchent sur une réorganisation des contrôles sanitaires. Le rapport visant à tirer les leçons de l'affaire Lactalis aurait dû être déposé il y a un mois déjà sur le bureau des ministres. Mais l'objectif affiché de remettre a plat les contrôles pour améliorer la sécurité du consommateur s'est transformé en lutte de pouvoir entre la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui dépend de Bercy, et la Direction générale de l’alimentation DGAL), pilotée par le ministère e l’Agriculture. Chacune défendant bec et ongles son pré carré.
Prenez le contrôle du lait : la DGAL le surveille lorsqu'il est sous forme liquide la DGCCRF quand il est en poudre. Ce qui explique en partie pourquoi les services de l'Etat chargés es contrôles dans le dossier Lactalis se sont noyés dans un verre de lait. Pour bien compliquer les choses, le gouvernement Fillon a mis sur pied en 2009 une machine de contrôles d’une complexité unique au monde. Cocorico ! Depuis cette date, en effet, au niveau des départements, les Fraudes, les services vétérinaires et les inspecteurs de la Jeunesse et des Sports sont tous mélangés dans un même bouzin à l'acronyme imprononçable : DDCSPP, pour « Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations ». Résultat, les agents départementaux des Fraudes, même s'ils restent payés par Bercy, ne dépendent plus de la DGCCRF mais des préfets, tandis que leurs collègues vétos, rémunéres par le ministère de l'Agriculture, relèvent toujours, eux, de la DGAL, via un échelon régional, le SRAL… Comprenne quu pourra.
Pour couronner le tout, les effectifs fondent comme motte de beurre au soleil. Ces dix dernières années le nombre de contrôleurs s'est affaissé de 11 % à la DGAL et de 20 % à la DGCCRF. Avec à la clé une dégringolade de 24 % des contrôles alimentaires réalisés par l’Etat. Qu'à cela ne tienne, dans son projet de loi de finances pour 2020, actuellement en discussion au Parlement, le gouvernement prévoit de supprimer 213 emplois à la DGAL et 274 à la DGCCRF… Bon appétit !
Dans le Canard enchaîné du 6 novembre 2019.