Pour les gens qui ne veulent pas se taper le player flash ou l'inscription pour le téléchargement en mp3 :
http://www.guiguishow.info/wp-content/uploads/2015/08/Stephane_Bortzmeyer-Come_to_the_dark_side-aka-linformatique_est-elle_neutre-mixit-2015-04-17.ogg
ÉDIT DU 31/08/2015 À 05H25 :
Quelques notes :
* L'informatique est partout (business, relations persos,...). Beaucoup de choses passent à un moment donné par un logiciel, par un ordinateur. Dans ce contexte, on n'est pas juste développeur surtout que l'on demande à être reconnu, à avoir un salaire qui va avec. On ne peut pas esquiver la responsabilité ;
* Le développeur, par sa compétence rare, a un rôle bien supérieur à caissière/balayeur ;
* Le côté obscur (espionner les gens, envahir leur vie privée, trading haute fréquence,...) recrute plus que les questions "est-ce que ce que je fais est utile ?", "est-ce que ça rend le monde meilleur ?". Ce n'est pas facile et évident d'aller du côté sympa de la force. Difficile d'identifier le bien et le mal.
* Tout un tas de choix passent par des algorithmes. La personne qui l'a programmé à un pouvoir. Pouvoir d'aider ou d'embêter les gens, de contrôler leur vie. Exemples :
* Amazon et ses recommandations ;
* Décision paiement carte bancaire avant d'accepter/refuser une transaction -> on ne connaît pas les critères... -> "c'est l'ordinateur" ;
* Aux USA, algo d’apprentissage pour accorder des prêts -> basé, entre autres sur consonance du nom pour créer des catégories et voir si ladite catégorie a plus de défauts de remboursement pour ensuite refuser des prêts aux noms à consonance identique ;
* Boîtes noires de la loi renseignement de 2015 en France : on fixe des critères qui détermine ce qu'est un terroriste.
* Vendeurs d'armes numériques (ex-VUPEN), Encrypted Traffic Management,... Est-ce légal ? Moral ? Ça dépend à qui on va le fournir et qui va s'en servir.
* Les développeurs qui ont conçus et mis au point des systèmes de surveillance des communications des populations (Amesys, Qosmos,...) sont comme nous tous : ils ont fait les mêmes études, ont une vie,...
* Qu'est-ce qu'on peut faire ?
* Se poser des questions. La technique n'est pas neutre. "D'autres le feront à ma place" pas vrai d'après le recrutement dans la profession. Une profession sans éthique n'est qu'une armée de robots.
* Admettre qu'on a une responsabilité, tous. Tu n'es pas un petit rouage. « On ne peut pas changer le monde tout seul mais on peut y contribuer » (Florence Porcel). Snowden était un simple adminsys. Tout le monde peut dire ce qui ne va pas.
* Se fixer des limites dans quelle entreprise : dans quelle société je suis prêt à bosser,...
* L'informatique est un des outils modernes dont on dispose pour empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Partager le savoir -> plus de gens savent -> moins de baratin, + de contrôle citoyen.
Mon avis :
* L'éthique est un des idéaux vers lequel on doit tendre mais qui est impossible à atteindre. Je veux dire : dans les faits, même rms écoute des mp3 et des mp4 de culture copyrightée... Personne n'est parfait, tout le monde est humain. Dans ce contexte, il est tentant de se retrancher derrière l'argument "pourquoi je devrais faire un effort" lors de l'apparition d'un choix éthique compliqué ;
* La compétence rare du développeur... oui... ça dépend jusqu'à quelle granularité on va... Dennis Ritchie est beaucoup plus rare que moi. Du coup, nos deux libertés de choix sont incomparables, sans égal ;
* Prendre des positions très marquées isole assez rapidement la personne qui les prend. Elle est jugée tantôt immature (genre elle n'a pas compris une plus grande vérité) tantôt extrémiste tantôt bornée avec qui aucune discussion n'est possible. Il y a une très forte pression sociale et les collègues sont quand même les personnes avec qui on passe le plus de temps par jour (dans le cadre d'un temps plein). Difficile de résister. Le rôle de boussole morale n'est pas vendeur au quotidien ;
* Les exemples d'éthique présentés par SB sont des choix parmi d'autres. Mais si en plus d'eux on souhaite un boulot hors IDF (par militantisme car on pense que concentrer nos emplois là-bas c'est malsain), ne pas travailler dans une SSII, une hiérarchie tendant vers l'horizontalité, ceci, cela, on arrive très vite à 0 offre d'emploi pouvant correspondre à nos critères. Comment on ordonne tous ces critères ? ;
* SB évoque les choix francs et brutaux que l'on peut avoir à faire (développer des outils qui serviront à torturer des gens, par exemple) mais les choix sont beaucoup plus subtils, sournois et vicieux. La descente aux enfers se fait de manière incrémentale, par compromis successifs. Exemple : une personne est embauchée pour un poste "adminsys open-source". Il s'agit d'un critère déterminant au même titre du fait que la société n'est pas située en IDF et n'est pas une SSII. Un jour on lui demande d'utiliser le sun-jdk au lieu de l'open-jdk... Elle accepte car 1) vu la masse de données à traiter et le fait que l'open-jdk n'intègre pas des optimisations spécifiques lors de la compilation en bytecode, ça ne tiendra pas la charge avec l'open-jdk ; 2) c'est sur un périmètre bien défini, on ne lui demande pas d'utiliser le sun-jdk tout le temps, juste pour compiler un programme pour une infra donnée d'un périmètre bien défini et délimité ; 3) ce programme produit des stats sans toucher aux contenus des clients. Cette personne accepte suite à une analyse structurée car une démission pour si peu serait overkill. Dans sa tête, l'évaluation sur le bien et le mal, les pours et les contres se fait uniquement sur ce choix, de manière très locale... mais en vrai, elle a ouvert une boîte de Pandore... Elle a fait un pas vers le logiciel propriétaire... Donc la prochaine fois qu'on lui proposera de travailler sur du logiciel propriétaire, ça sera moins simple de refuser. Et ça, ça se voit uniquement avec une analyse globale et du recul. Un beau jour, on annonce à cette personne que l'infra de mail interne basée sur des logiciels libres sera bientôt abandonnée au profit d'un Microsoft Exchange interne. Ses mails ainsi que ceux des partenaires extérieurs avec lesquels cette personne communique seront routés/lus par un putain de logiciel propriétaire alors que le logiciel libre est pertinent sur cet usage ! Que faire ? Considérer que les mails qui transiteront par ce serveur Exchange ne sont pas personnels et que donc "ça passe" ? Tenter d'argumenter face à un patron qui pense ce genre de chose :
https://twitter.com/olesovhcom/status/599171194764566528 ? Ça sera quoi ensuite ? Le Mal n'est jamais facile à identifier et à combattre. Lutter contre, c'est surtout se faire mal à soi-même car ce n'est pas valorisé.
FIN DE L'ÉDIT.