En 2021, France Médias, une holding chargée de répartir le fric mais qui ne s'occupera pas de la ligne éditoriale (lol, comme si le budget n'influait pas sur une ligne éditoriale), chapeautera France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. Son Conseil d'Administration sera composé de 5 représentants de l'état, 2 personnes nommées par le Parlement, 2 personnes désignées par le CA lui-même et 2 représentants du personnel. Soit 6 à 9 membres du CA partageant le point de vue de la majorité présidentielle. Le président sera validé par le CSA. Les Conseils d'Administration de France TV et de Radio France seront composés de 10 membres : le président de France Médias, 2 représentants de l'État, 2 représentants de France médias et 2 personnes nommées par le Parlement. Soit au moins 6 membres du CA de chaque groupe audiovisuel partageant le point de vue de la majorité présidentielle.
Le Canard semble outré, mais, aujourd'hui, c'est le CSA qui nomme seul les présidents des différents groupes de médias publics. Et certaines nominations paraissent avoir été influencées par le Château, comme celle de Delphine Ernotte (source : Canard enchaîné du 9 octobre 2019). Donc bon…
Ce qui me semble problématique, c'est l'arrêt des émissions intéressantes comme le Soir 3 et des chaînes diversifiées comme France 4 qui sonne comme un sabotage, l'abandon des territoires (France Ô va cesser d'émettre sur la TNT, réduction des effectifs des antennes locales des TV et radios), le manque de moyens (absence de financement de bons documentaires, rediffusions en masse, licenciements en masse, etc.) et le recours massif à des CDD de long terme sans cesse sanctionné par les Prud'hommes alors que l'externalisation des productions, entre autres, a permis de rémunérer grassement des vedettes intemporelles qui nuisent à la diversité (Drucker, Sébastien, Lucet, etc.) et des petits chefs à tous les étages (selon le numéro juillet-août 2019 de Siné mensuel)..
En tout cas, nous ratons l'opportunité de construire un vrai groupe de médias publics unifié et puissant (l'unification permettrait une transversalité, un suivi de l'actualité multi-supports et une mutualisation des compétences, donc des budgets plus colossaux pour des reportages plus rentables car conçus pour être diffusés en plusieurs parties sur plusieurs supports, etc.)…
L‘histoire retiendra que Franck Riester a créé le grand machin audiovisuel public unifié dont tous les gouvernements parlaient… L’exploit s’arrête là. En 2021, la réforme de Macron, portée par son ministre de la Culture, accouchera d’une BBC du pauvre. Pas de fusion à l’anglaise de la télé et de la radio publiques : Riester n’a obtenu qu’un holding qui viendra chapeauter France Télés et Radio France. Bref, une couche supplémentaire au-dessus de deux millefeuilles déjà bien épais…
Le ministre, en revanche, a mal dissimulé l’entourloupe. Avec France Médias — le nom hautement original du futur ensemble —, l’« indépendance » promise rappellera celle de l’ORTF. A la tête de son conseil d’administration (douze membres) trônera en effet un superprésident, qui sera donc choisi par onze personnes. A trois représentants de l’Etat s’ajouteront six personnalités qualifiées, dont deux nommées par le Parlement, deux autres proposées par… l’Etat et deux, enfin, désignées par le conseil d’administration lui-même ! Les deux derniers seront des élus du personnel, dont on sait que, par tradition, ils ne prendront pas part à l’élection de leur futur dirigeant, pour ne pas lui être redevables.
A l’arrivée, le superprésident de France Médias sera désigné par onze membres (neuf votants actifs), dont cinq déjà acquis à l’Etat et un, au moins, issu de l’Assemblée, donc de la majorité. Chapeau !
Le plus drôle ? En dessous de ce dangereux opposant, les directeurs de France Télés et de Radio France seront, eux, appointés par leurs conseils d’administration respectifs, composés de dix membres. Mais, attention, parmi les dix membres en question, on retrouve le superprésident de France Médias ! Ainsi que deux représentants de l’Etat, deux personnalités qualifiées nommées par… France Médias et deux autres, encore, choisies par le Parlement.
Si l’indépendance de l’audiovisuel public ne sort pas renforcée de toutes ces innovations, c’est à vous dégoûter de faire des réformes !
Dans le Canard enchaîné du 2 octobre 2019.