Ça rapporte beaucoup, beaucoup d’argent, les avions de combat signés Dassault. Vous voulez acheter 36 Rafale ? Ça vous fera 7,8 milliards d’euros. C’est ce qu’a fait l’Inde. Dassault a jubilé, le gouvernement français aussi, et remercié largement un intermédiaire providentiel, Anil Ambani, industriel indien milliardaire, lequel ne connaît rien à l’aéronautique : il fait plutôt dans les télécoms, étant notamment proprio d’une boîte française, Reliance Flag Atlantic France, qui exploite un câble sous-marin entre l’Europe et les Etats-Unis. Mais c’est un ami intime de Modi, le Premier ministre indien…
Alors, en 2015, au moment où les négociations entre la France et l’Inde s’enlisaient, où les 126 Rafale initialement commandés à Dassault à condition qu’ils soient fabriqués en Inde et garantis qualité France allaient être jetés aux oubliettes, le milliardaire Ambani a aimablement joué les entremetteurs. Et deux miracles se sont ensuivis.
Le premier est que sa boîte française, qui avait de très sérieux démêlés avec le fisc, car, domiciliée aux Bermudes, elle présentait des comptes pas très clairs et qu’il lui avait été signifié un redressement fiscal de 151 millions, a vu ce redressement ramené à 7,3 millions (« Le Monde », 14/4). Juste au moment où Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, annonçait triomphalement la vente de 36 Rafale, jusqu’alors invendables !
Le second miracle ? Puisque, au nom du made in India, la moitié de la valeur du contrat doit être attribuée à des entreprises indiennes, c’est, entre autres, le groupe privé Reliance, appartenant au très aimable Ambani, qui a été retenu par Dassault pour effectuer sur place ces quelques menus travaux.
En Inde, l’« affaire Rafale » fait tous les jours la une des journaux, Rahul Gandhi, l’opposant numéro 1 du Premier ministre, accusant ce dernier de corruption. En France, pas de vagues. Le Rafale, monsieur, c’est du sérieux !
Dans le Canard enchaîné du 17 avril 2019.