Les enfants manquent de calcium. Mais la solution est dans le fromage. C'est, en substance, ce que nous apprend une récente enquête du Crédoc, le Centre de recherche pour l'étude et l’observation des conditions de vie. « Entre 2010 et 2016, la part d'enfants de 3 à 5 ans qui ne couvrent pas leurs besoins en calcium est passée de 4 a 20 %. » Et le Crédoc d’en rajouter une louche : « Les besoins calciques sont de moins en moins couverts » chez les minots. En cause ? « La baisse de consommation de lait au petit déieuner, mais aussi de yaourts et de fromages en fin de repas. » Sauf que ladite étude est en fait un sondage réalisé auprès des parents de 784 enfants et financé par le groupe Bel, géant de la fromagerie industrielle avec des joyeusetés comme Babybel, Kiri ou La Vache qui rit. Voila un gage d'objectivité.
Le crédoc, c'est l'organisme qui, en 2009, a publié une étude tout aussi bidon sur l'usurpation d'identité en collaboration avec un consultant rémunéré par Fellowes, le fabricant de broyeuses à documents. Cash Investigation a démoli tout ça.
Cela fait longtemps que le lobby fromager a fait du manque de calcium son montra our nous inciter à consommer plus de frometon. Sauf que la dernière étude réalisée par les autorités sanitaires sur le sujet dit l'inverse. « D'après les données mesurées (…), la consommation de produits laitiers est globalement restée stable chez les enfants de 6-17 ans » peut-on lire dans le rapport publié en 2017 par l'agence nationale Santé publique France. Autre curiosité, dans l'étude commandée par Bel, la tranche d’âge passée à la moulinette, celle des moins de 6 ans est la seule pour laquelle Santé publique France ne dispose pas de chiffres sur la consommation calcique. Le Crédoc pousse aussi le bouchon quand il affirme qu'un enfant qui n'atteint pas les « apports nutritionnels conseillés » (ANC) en calcium est automatiuement carencé.
« En fait, les ANC sont des valeurs repères, volontairement majorées pour englober l'ensemble de la population. A titre individuel, ne pas les atteindre ne signifie pas forcément que l'on est en déficit de calcium », s'agace un nutritionniste.
Ce que ne dit pas non plus le Crédoc, c'est que, du calcium, on n'en trouve pas seulement ans les produits laitiers. Une portion de chou frisé apporte l’équivalent de 2,3 verres de lait ; pour une demi-boîte de sardines, comptez deux verres ; et certaines eaux minérales sont trois fois plus chargées en calcium que le lait. En prime, le calcium dans les produits lactiques est parfois plus difficile à assimiler que celui contenu dans beaucoup de légumes.
Après La Vache qui rit, la vache qui ait la tête ?
Dans le Canard enchaîné du 22 mai 2019.