La nouvelle a tourné en boucle sur les radios et les chaînes d’info continu, la semaine demière : Macron venait d’échapper de justesse à un attentat. Sous le sceau du secret-défense, la Place Beauvau expliquait aux journalistes que, ce 7 novembre, la DGSI avait démantelé « un groupe paramilitaire d’ultradroite » qui s’apprêtait à attaquer le Président, en pleine « itinérance mémorielle » du côté de Charleville-Mézières (Ardennes).
De l’info puisée à la meilleure source, mais à prendre avec des gants. Entre eux, les flics du Renseignement intérieur appellent ça le « cadeau de bienvenue » : lorsqu’un nouveau patron prend la tête de la boutique, ses hommes lui offrent sa petite affaire. Il y a dix ans, l’histoire de Tarnac, montée à la hâte au moment de la création de la DCRI, avait saturé les médias sur le thème du « terrorisme d’ultragauche »… avant de finir en eau de boudin.
Fachos fêlés
Nicolas Lerner n’a pas dérogé à la tradition : trois semaines après son arrivée à la DGSI, le 17 octobre, il y a eu droit. Un joli paquet-surprise avec, cette fois, la mention « terrorisme d’ultradroite ».
Quatre zinzins se revendiquant « survivalistes », que nos contre-espions surveillaient gentiment, ont donc été opportunément interpellés puis déférés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
Le prétexte de la DGSI pour réaliser le coup de filet du 7 novembre ? Le cerveau de la bande, un retraité de 62 ans, avait annoncé ses intentions sur les réseaux sociaux et quitté son domicile de l’Isère pour retrouver ses complices, à une heure de route de la caravane présidentielle. A l’intérieur de la 406 Peugeot des suspects : trois sacs de couchage, des matelas de camping, une paire de gants en cuir noir et un couteau de cuisine en céramique, censé servir d’arme pour attaquer Macron.
Le nouveau secrétaire d’Etat à l‘Intérieur, Laurent Nuñez, qui, pour avoir dirigé seize mois la DGSI, connaît la musique, a préféré la jouer très modeste (le « JDD », 11/11) : « Il faut rester prudent, car l’enquête est en cours, mais il semble que le président de la République était pour eux une cible potentielle, même si le projet n’était pas abouti. » On a connu plus convaincu.
Lui-même, en juin 2017, avait reçu comme cadeau de bienvenue le démantèlement d’un groupuscule, déjà qualifié d’« ultradroite », qui menaçait de s’en prendre à Mélenchon et à Castaner, alors porte-parole du gouvernement.
Des zozos utiles, ces fachos ?
Je suis dubitatif : si tout le monde connaît la combine (quand elle est publiée dans un journal national à grand tirage, on peut aisément estimer qu'elle est connue de longue date par tout le gratin politicien et journalistique), quel en est l'intérêt ? Le⋅a politicien⋅ne sait que c'est du flan (donc le nouveau dirlo en poste ne peut pas se faire mousser), le⋅a citoyen⋅ne aussi (donc l'effroi se dissipe rapidement)…
Interpréter les propos de l'ex-patron de la DGSI dans le sens qui arrange alors qu'il y a toujours une prudence dans l'expression de ces gens-là tant que l'enquête est en cours (sauf quand le terroriste est musulman, mais c'est un autre problème), c'est pas fameux non plus.
Dans le Canard enchaîné du 14 novembre 2018.