En 2021, plus aucun État nucléarisé ne sera contraint sur sa production et sa détention d'armes atomiques. Aucun traité est en cours de négociation pour remplacer ceux existants / dénoncés par les USA et la Russie. Dans ce contexte, entre autres, Macron se rapproche de la Russie. Je trouve plutôt sain de pas dépendre uniquement des États-Unis, même si une France indépendante serait beaucoup mieux… Forcément, ce rapprochement ne plaît pas à tout le monde au ministère des Affaires étrangères, entre ceux qui veulent tout miser sur les États-Unis et ceux qui veulent une France indépendante.
Au Quai d’Orsay, où s’agitent des “néoconservateurs” à la mode américaine et dans certains ministères, des membres de l’appareil d’Etat estiment extravagante toute négociation avec Vladimir Poutine.
Nouvel échange téléphonique entre Poutine et Macron, dimanche 8 septembre. Et, les jours suivants, Jean-Yves Le Drian, patron du Quai d’Orsay, ainsi que florence Parly, ministre des Armées, ont rencontré leurs homologues à Moscou. C’était « une étape importante », s’enflamme un conseiller de l’Elysée, dans la réorientation des relations franco-russes, déjà bien ébauchée avec Vladimir Poutine, aimablement reçu au fort de Brégançon le 19 août, peu avant le G7. Alors, tout va bien ? Non, car ce « rapprochement diplomatique et politique » avec le Kremlin est plutôt mal perçu en Macronie. Au Quai d’Orsay, au ministère des Armées et « au sein de l’appareil d’Etat en général, affirme un diplomate, le virage russe de Macron est souvent contesté et mal digéré ».
Au programme des discussions que les deux ministres français allaient avoir à Moscou — s’ils en avaient le temps… — figuraient les rapports conflictuels entre la Russie et l’Ukraine, l’interminable guerre de Syrie, l’Iran, la Libye et les sanctions européennes, dont Macron souhaite voir la fin. Un autre dossier délicat devait, en principe, être abordé : celui des armes nucléaires. Selon l’analyse que des diplomates et des généraux font, à Paris, de la situation actuelle, « la planète sera en absence totale de régulation (sic), à partir de 2021, sur les armes stratégiques, [et] l’Europe sera nue par rapport aux deux super-puissances nucléaire [sans compter] la montée en capacités de la Chine ».
Traduction de cette vision peu réjouissante de notre avenir : en 2021, ni les Etats-Unis ni la Russie ne seront plus tenus par un quelconque traité bilatéral de réduction des armes nucléaires. Le dernier en date a été dénoncé par Washington, il n’était guère respecté par Moscou, et aucun autre traité ne sera désormais négocié… sauf, miracle. C’est ce message inquiet, « validé » par Macron, que Florence Parly a transmis, en substance, à Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense, quand elle lui a téléphoné, le 3 septembre, durant plus d’une heure.
A en croire un expert du ministère des Armées qui a accès aux dossiers géopolitiques de l’équipe Macron, la situation est, en effet, « périlleuse » : en 2021 — année maudite, décidément —, plus aucun Etat nucléaire ne se sentira « bridé » et empêché de développer son arsenal : « Ce sera, dit-il, une foire d’empoigne caractérisée sans précédent [et plus grave que celle du temps de] la guerre froide Est-Ouest, parce qu’elle sera généralisée. » Et de conclure qu’ « il faut sortir de ce statu quo de défiance » vis-à-vis du Kremlin et de la Maison-Blanche. Avec Pékin, on verra plus tard ?
Mouais… À part le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, les acteurs restent inchangés depuis la guerre froide, mais oui, ça représente 50 % d'augmentation (6 pays -> 9 pays).
Une “secte” diplomatique
Cette volonté de raccrocher les wagons avec Moscou et de rechercher, selon l’Elysée, les « pistes de coopération possibles pour éviter une aggravation du désordre international » est de plus en plus contestée. Notamment au sein du ministère des Affaires étrangères et, plus modérément, au ministère des Armées. Au Quai d’Orsay, les plus hostiles sont ceux que l’on qualifie à juste titre de « néoconservateurs ». Ces diplomates sont opposés à tout réchauffement des relations avec la Russie ou avec l’Iran, mais ils refusent de se déclarer « atlantistes et alignés sur les Etats-Unis », comme s’en défend l’un d’eux, qui, en revanche, admet que tous soutiennent « le plus souvent la politique israélienne ». Faucons en diable, ils occupent au ministère des postes à haute responsabilité, et les diplomates qui ne les aiment guère les ont baptisés « la secte » (selon une enquête de « Marianne », 12/7).
Leur égérie fut, jusqu’à son décès, voilà sept ans, Thérèse Delpech, une experte reconnue des questions nucléaires et stratégiques. Au moment où Bush s’apprêtait à envahir l’Irak, en 2003, cette éminente collaboratrice du Commissariat à l’énergie atomique avait voulu convaincre deux journalistes du « Canard » que Saddam Hussein était à deux doigts de posséder l’arme nucléaire. Croyait-elle vraiment à cette justification de la guerre qu’allait mener la Grande Amérique pendant seize ans ? Toujours est-il que cette tentative d’entraîner « Le Canard » sur ce terrain douteux n’était pas glorieuse.
Dans le Canard enchaîné du 11 septembre 2019.