La réforme de la justice a suscité une adhésion massive ! Lors de sa lecture définitive à l’Assemblée, elle a été adoptée, le 19 février, par 31 voix « pour » et 11 « contre »… sur 577 députés. C’est dire le nombre d’élus LRM qui préféraient ne pas voir ça…
Non seulement cette loi accroît sans modération les pouvoirs de la police et du parquet au détriment de juges indépendants, mais elle dissout aussi les tribunaux d’instance dans ceux de grande instance. Après la disparition des commissions d’action sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité, il ne restera bientôt presque plus rien de la « justice de proximité », ces juges de paix fins connaisseurs des particularités locales.
Autre nouveauté : la création d’une « juridiction nationale des injonctions de payer », dédiée à une procédure qui, déjà expéditive, va encore accélérer. Confrontées à des échéances impayées, les banques, assurances, sociétés de crédit et de recouvrement adressent aujourd’hui au juge d’instance une requête avec justificatifs. Après vérification, le magistrat peut délivrer une « injonction », et il n’y a plus qu’à envoyer un huissier encaisser l’argent ou saisir les biens ; le mauvais payeur a un mois pour faire opposition. En cas de contestation (une procédure concernant 4 % des 470 000 injonctions délivrées chaque année, dont la moitié tourne autour de 2 000 euros), l’affaire passe en audience.
Salauds de pauvres
Demain, avec la nouvelle juridiction, fini le contrôle des juges d’instance ! Les deux magistrats et la vingtaine de greffiers affectés au nouveau tribunal feront tourner une procédure sur Internet entièrement « dématérialisée ». Pour le plus grand bonheur des organismes de prêt et de recouvrement, amis des surendettés…
« La balance penche en faveur des organismes de prêt et de recouvrement. Cela revient à retirer des droits et l’accès au juge pour les consommateurs, s’indigne Gilles Sainati, du Syndicat de la magistrature. Tout sera automatique, on supprime ce qui pouvait faire tampon et amortir la détresse financière des gens ! »
Et encore : au départ, les audiences devaient être totalement supprimées. Belloubet, la garde des Sceaux, a fini par admettre qu’il fallait les conserver pour les 4 % de contestations et les demandes en délais de paiement. « Les pauvres gens vont se casser les dents sur ce cybertribunal », ajoute Gilles Sainati. Comme si tout était fait pour les décourager.
Qu’en pense le Conseil constitutionnel, saisi de la loi dès son adoption ?
Dans le Canard enchaîné du 27 février 2019.