Blessés lors d’un défilé, les manifestants — gilets jaunes ou non — qui se retrouvent à l’hôpital, à Paris comme partout en France, sont souvent fichés et fliqués : ce rappel du « Canard » (24/4) — documents à l’appui — n’a pas ravi Jérôme Salomon. Le directeur général de la Santé a adressé, le 25 avril, un mail agacé à plusieurs responsables de services d’urgence, pour tenter d’y présenter l’usage de l’application SI-VIC sous un jour plus avenant.
D’abord, insiste-t-il, il s’agit d’« un système d’information non médical ». A condition d’oublier que, dans la case « commentaire », peut être spécifiée la nature des blessures, telles que « plaie œil et trauma mâchoire »… Ce fichage est, dit-il, destiné avant tout à permettre aux victimes de « bénéficier de leurs droits », les infos étant transmises au ministère de la Justice.
Et pas au ministère de l’Intérieur ? Cela ne peut avoir lieu, ajoute-t-il, que « dans le cadre de la Ciav (Cellule intermirfistéfielle d’aide aux victimes) », laquelle est « activée exclusivement en cas d’attentat ». Ce qui permet alors aux agents des directions nationales de police judiciaire d’« avoir accès aux informations ( et non à l’outil) ». Saveureuse nuance…
Et voici le plus beau : « Il est vrai que le droit d’information des patients n’a pas pu être mis en œuvre », reconnaît Jérôme Salomon, qui souligne un « point de faiblesse ». Mais, comme cela a « été signalé à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) », qui a laissé faire, tout va bien.
Tout va même très bien : « Je rappelle que SI-VIC a été institué par la loi, il n’y a donc pas lieu d’avoir le consentement des patients. » Manquerait plus qu’on leur demande leur avis !
Bourre-pifs à Toulouse
En plus du SI-VIC, il existe des systèmes de fichage régionaux, tel Cat@log, développé par le Samu 81 du CHU de Toulouse et l’agence régionale de santé (ARS) Occitanie. Ce logiciel a aussi été activé — c’est un tic — lors des manifs des gilets jaunes. Y sont recensés, là encore : nom, prénom, âge, sexe et nationalité des blessés, ainsi que les blessures et leur gravité.
Lors de la manif du 19 janvier, au-dessous des identités, on peut lire, par exemple : « Fracture nez-TC avec PC (traumatisme crânien avec perte de connaissance) » ou « multiples coups à la tête », « flashball dans les côtes », etc.
Très pratique, car ce Cat@log est « parfaitement connecté avec le système Sinus du ministère de l’Intérieur », précise un dossier de presse de l’ARS. Sans compter que « d’autres acteurs de la chaîne de secours peuvent également avoir accès a ce dénombrement et au dossier médical des victimes, dont l’ARS, la préfecture, les services départementaux d’incendie et de secours, la gendarmerie »…
Tout cela, bien entendu, pour le plus grand bien des victimes !
Dans le Canard enchaîné du 30 avril 2019.