Excellente analyse détaillée de la décision de la CJUE à propos de la vente forcée entre un ordinateur et winwin. Je recommande vivement de la lire. Je retiens que la CJUE s'est prononcée sur la vente liée, pas sur la vente forcée, qui est ce qui nous intéresse.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, apprenons les termes de base utiles avec l'aide du site web de l'AFUL, http://non.aux.racketiciels.info/documentation/droit :
La vente simultanée de deux produits (logiciels et matériel par exemple) constitue une vente par lots. La vente par lots concerne par exemple les pots de yaourt ou les batteries de casseroles. Elle n'est pas nuisible en tant que telle. Elle est cependant encadrée dans l'intérêt du consommateur, notamment pour qu'il soit informé.
S'il n'y a pas de possibilité d'acheter séparément les produits (par exemple uniquement le matériel), c'est également une vente liée. La vente liée a longtemps été interdite en France. Aujourd'hui, elle ne l'est plus de façon automatique (article L. 122-1) depuis la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005. Le juge français doit désormais apprécier au cas par cas si une vente liée particulière constitue ou non une pratique commerciale déloyale.
Le fait que le paiement des logiciels soit exigé par le professionnel dès l'achat du matériel sans que le consommateur ait préalablement et expressément commandé les logiciels constitue une vente forcée, aussi appelée fourniture de produits non demandés. La vente forcée, en revanche, est interdite "en toutes circonstances" (article L. 122-3), texte issu de la liste des interdictions figurant à l'annexe 1 de ladite directive (paragraphe 29).
Maintenant, recontextualisons à l'aide de NextInpact, http://www.nextinpact.com/news/101268-la-justice-europeenne-sanctuarise-vente-liee-pc-et-os.htm :
Cette affaire remonte à la préhistoire. En novembre 2008, Vincent Deroo-Blanquart achète pour 549 euros un portable Sony Vaio rempli de logiciels préinstallés, dont un système d’exploitation Windows Vista édition Home Premium. Ne souhaitant acquérir que le matériel, il demande le remboursement de cette couche logicielle qu’il évalue à 450 euros. En novembre 2013, la cour d'appel de Versailles rejette sa demande en ayant sur ses genoux la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales (les « PCD »).
Ce texte dresse la liste des pratiques qui sont systématiquement considérées comme déloyales en toutes circonstances. Problème : la vente liée n’est pas citée. Tout n’est cependant pas perdu pour les consommateurs puisqu’une telle opération peut être interdite si elle répond à certaines caractéristiques appréciées par les tribunaux. Ce sont celles qui « altèrent le comportement économique des consommateurs et qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle, comme notamment les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives ».
Et justement, la cour d’appel a considéré que la demande de ce consommateur ne pouvait prospérer, car il pouvait toujours aller voir ailleurs, « le marché offrant une variété d’ordinateurs et de logiciels dont la combinaison permettait d’assurer la liberté de son choix ». Pour l’intéressé, au contraire, subordonner la vente d’un bien à l’achat concomitant d’un autre bien, ici un pack de logiciels, est sans nul doute une PCD, notamment parce que Sony ne propose pas ce modèle nu. De plus, il y a un petit piège dans le contrat de licence utilisateur final Windows. Le fameux « CLUF » rappelle bien lors du premier démarrage qu’« en utilisant le logiciel, vous acceptez ces termes. Si vous ne les acceptez pas, n’utilisez pas le logiciel et contactez le fabricant ou l’installateur afin de connaître leurs modalités de retour des marchandises pour obtenir un remboursement ou un avoir ». L’acheteur non professionnel n’a donc pas de choix : ou il achète, ou il se fait rembourser la totalité. Autre signe d’une incompatibilité avec le droit européen : les prix de ces composants ne sont pas ventilés. Impossible donc d’en avoir donc le détail !
Plutôt que de trancher immédiatement, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin d’avoir la réponse à trois questions fondamentales.
Autre info de contexte intéressante via http://www.silicon.fr/vente-liee-os-pc-pas-illegale-europe-156909.html :
En 2012 et 2014 déjà, la Cour de cassation française, puis la Cour d’appel de Paris, avaient infligé un premier camouflet aux contempteurs de la vente liée, cassant un premier jugement en faveur de l’UFC-Que Choisir et donnant gain de cause à HP. Dans un communiqué datant de l’été 2015, l’Aful (Association francophone des utilisateurs de logiciels libres), en pointe sur ce combat depuis des années, expliquait cette série de revers judiciaires comme la conséquence d’une consigne politique : « le gouvernement Hollande envoie un message clair et limpide : nous ne voulons plus entendre parler de procès sur les racketiciels ! », racketiciels étant l’appellation que les défenseurs du logiciel libre donnent aux logiciels vendus avec les PC. Manifestement, l’Union européenne a également choisi de clore le débat.
Et donc, elle a dit quoi la CJUE ? http://www.numerama.com/business/192961-vente-liee-dun-ordinateur-et-de-windows-la-cjue-ninterdit-pas-le-principe.html :
Rien ne s’oppose par principe à ce qu’un fabriquant d’ordinateur oblige ses clients à acquérir en même temps une licence de Windows et d’autres logiciels préinstallés, et rien ne l’oblige par principe à rembourser le prix des licences aux clients qui ne voudraient que du matériel. Ainsi a jugé en substance la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui s’est prononcée mardi sur un vieux litige qui opposait le justiciable français Vincent Deroo-Blanquart à Sony Europe.
[...]
Tout en affirmant à plusieurs reprises que chaque affaire doit être examinée au cas par cas par les juridictions nationales, la CJUE note qu’en l’espèce la cour d’appel a constaté que la préinstallation de Windows et de certains logiciels sur les ordinateurs de Sony « répond aux attentes » de la plupart des consommateurs sur le marché et que Sony n’a donc probablement pas cherché à changer leur comportement avec cette vente liée.
Par ailleurs, elle remarque que M. Deroo-Blanquart avait été informé par le vendeur de la présence de Windows Vista sur l’ordinateur, et du fait que Sony ne vendait pas le modèle nu, sans logiciels, ce qui écarte probablement le manque de diligences du vendeur. C’est d’autant plus vrai qu’il aurait aussi été informé du fait qu’il était « libre de choisir un autre modèle d’ordinateur, d’une autre marque, pourvu de caractéristiques techniques comparables, vendu sans logiciels ou associé à d’autres logiciels », et donc que personne ne l’a forcé à choisir ce Sony Vaio.
[...]
De même, la Cour a refusé d’imposer aux vendeurs que soient détaillés les prix des ordinateurs, en indiquant le prix du matériel d’une part, et le prix des logiciels d’autre part. Elle estime qu’il ne s’agirait pas d’une « information substantielle » susceptible d’influencer la décision du consommateur et que, ce dernier n’ayant de toute façon pas d’autre choix que d’acheter l’ensemble ou un autre ordinateur, « l’absence d’indication du prix de chacun de ces logiciels n’est ni de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause ni susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».
Maintenance, attaquons le vif du sujet :
Si vous relisez ce billet, vous pourrez mieux comprendre l’arrêt scandaleux que vient de rendre la huitième chambre de la CJUE le 7 septembre 2016 (dont les fichiers du communiqué de presse n° 86/16 téléchargeable sur le site de la Cour et de l’arrêt révèlent qu’il s’agit de documents au format PDF version 1.5 rédigés à l’aide de Microsoft Word 2010 avec de polices propres à l’éditeur…)
HAHA ! :)
Le principe est le suivant :
- La vente forcée est interdite, car elle figure au point 29 de l’annexe 1 de la directive 2005/29/CE qui dresse la liste des 31 pratiques commerciales réputées déloyales « en toutes circonstances ». Elle est considérée comme une pratique commerciale agressive en toutes circonstances. L’interdiction totale de principe est prévue par l’article 5 alinéa 1 de la directive. Les conséquences sont simples : lorsqu’un juge national, au cours d’un litige, identifie et constate l’existence d’une telle pratique, il DOIT l’interdire, sachant qu’il ne dispose à cet égard disposer d’aucun pouvoir d’appréciation [1]. C’est ce qu’avait eu le courage de juger la juridiction de proximité de Saint-Denis le 10 janvier 2012 dans deux affaires que j’avais défendues le même jour pour deux de mes clients.
- La vente liée ou « offre conjointe », ne constitue pas en elle-même une pratique commerciale déloyale interdite, car elle ne fait pas partie de la liste noire de l’annexe 1. Le juge national qui doit trancher un litige impliquant cette pratique commerciale dispose du pouvoir d’apprécier si sa mise en œuvre par le professionnel, dans les circonstances qu’on lui soumet, est déloyale ou non. Pour ce faire, la directive définit des critères d’interprétation aux articles 5 à 9. Ils précisent qu’une pratique commerciale n’est déloyale qu’à la double condition d’être contraire aux exigences de la diligence professionnelle et d’altérer ou être susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur (art. 5). Ils définissent aussi ce que sont les pratiques commerciales trompeuses (art. 6 et 7) et les pratiques commerciales agressives (art. 8 et 9). Si la double condition de l’article 5 et/ou le caractère trompeur et/ou agressif est jugé déloyal par le juge, il interdit la pratique. Sinon, il ne l’interdit pas.
[...]
Vous l’avez compris, en limitant la saisine de la CJUE à la seule question des offres conjointes, la Cour de cassation refuse d’analyser et de trancher la question de la pratique commerciale du préchargement des logiciels et donc de la vente forcée d’un OS Windows avec un ordinateur de grande marque. Il s’agit d’une erreur volontaire de qualification, puisque la Cour de cassation sait pertinemment que les offres conjointes ne font pas partie de la liste noire de l’annexe 1 de la directive, ce qui a été confirmé en 2009 par la CJUE. De mon point de vue, la Cour de cassation n’a donc pas pris un grand risque en adressant ces questions à la CJUE, qui a naturellement rappelé que les offres conjointes n’étaient pas déloyales per se, et qu’elles n’étaient interdites que si elles étaient estimées déloyales par le juge national. Les dés étaient pipés…
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Au cours des débats, les gouvernements de la Belgique, de la République Tchèque, et de la France ont fait des observations en réponse. La Commission Européenne également.
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Sous prétexte de vouloir fournir des ordinateurs prêts à l’emploi, le Gouvernement Belge a soutenu qu’il était normal de vouloir acquérir un ordinateur avec un système d’exploitation comme il serait normal d’acquérir un véhicule avec un moteur. Mais cette assertion est erronée. Comme je l’ai souvent rappelé aux juges, un moteur est une pièce matérielle de la voiture, comme le microprocesseur est une pièce matérielle d’un ordinateur. Il n’était donc pas question de dissocier les éléments matériels d’un ordinateur. Mais un système d’exploitation et sa fourniture sont des prestations de services non obligatoires [ NDLR, c'est aussi tranché en droit, voir les notes de bas de page 2 et 3 ]. Admettre cette analogie reviendrait à contraindre les consommateurs, au seul prétexte qu’il est obligatoire de s’assurer pour conduire, à payer le prix d’une assurance (prestation de services) fournie d’office lors de l’achat d’une voiture, sans aucune autre information que le prix global des deux produits, alors que le consommateur peut déjà être assuré auprès d’un autre assureur en ayant, de surcroît, choisi son professionnel pour pouvoir bénéficier des meilleurs tarifs. Cela n’aurait pas de sens.
Par ailleurs, aucune des réponses faite par les Gouvernements Belge ou Tchèque n’abordait le problème sous l’angle de la protection forte des consommateurs que garantit pourtant la directive 2005/29/CE, puisqu’elle a pour objet de réglementer les pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs… et non pas de protéger les politiques commerciales des entreprises, surtout lorsque leurs pratiques altèrent le comportement économique des consommateurs en influençant leurs décisions commerciales ou en altérant leur liberté de choix. [...]
La réponse faite par le gouvernement Belge était également juridiquement incomplète, car exclusivement basée sur l’analyse de la pratique commerciale de vente liée (ou subordination de vente), qui n’est pas listée à l’annexe 1 de la directive, et qui nécessite une analyse au cas par cas par le juge national. Or, la pratique qui consiste à fournir un système d’exploitation et des logiciels applicatifs est avant tout une pratique commerciale de vente forcée visée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive, sanctionnée par une l’interdiction de principe de l’article 5 alinéa 1.
[...] Son comportement commercial est alors quadruplement modifié par cette pratique, puisque les ordinateurs portables comme ceux de la société Sony sont uniquement commercialisés sous cette forme, c’est-à-dire avec des logiciels fournis préchargés. Le consommateur n’a alors :
- ni le choix des logiciels qu’il n’a pas lui-même commandés puisqu’il sont sélectionnés et fournis préchargés par le constructeur ;
- ni la possibilité de ne pas payer ces logiciels fournis préchargés, même s’il n’en veut pas, puisque le constructeur ne propose pas à la vente la même machine sans logiciels et tout remboursement est en pratique impossible puisque le prix des logiciels est dissimulé ;
- ni la possibilité de refuser les logiciels fournis, puisque pour pouvoir acquérir un nouvel ordinateur il doit obligatoirement payer immédiatement le prix de l’ensemble des licences incluses dans le prix global de l’ordinateur, sans aucune ventilation entre le prix du matériel d’un côté, et le prix des prestations de services logicielles de l’autre.
- Et pire encore, lorsqu’il souhaite se faire rembourser du prix des logiciels, le consommateur se heurte au refus du distributeur ou du constructeur, ce qui le contraint donc à conserver des produits qu’il n’a jamais demandés (interdit par le point 29) et qu’il n’utilisera peut-être jamais, par exemple s’il utilise un système d’exploitation concurrent.
[...] Cette pratique du préchargement de logiciels Microsoft et d’applications fonctionnant exclusivement sous l’environnement Microsoft modifie nécessairement le comportement économique du consommateur, qui n’est pas à même de comparer le prix de deux machines similaires sur le plan matériel mais de marque différente, de même qu’il n’est pas à même de connaître le prix des logiciels et de pouvoir réduire le prix à payer en choisissant un système d’exploitation gratuit.
[...]
Par ailleurs, la fourniture systématique de systèmes d’exploitation de la société Microsoft et de logiciels d’environnement Microsoft induit une rupture de la concurrence entre les éditeurs des systèmes d’exploitation. L’opportunité d’offrir à certains consommateurs un ensemble présenté comme « fonctionnel » constitué par du matériel d’un côté et des logiciels Microsoft Windows et d’environnement Windows de l’autre ne doit pas aboutir, dans le marché des ordinateurs destiné aux consommateurs, à privilégier l’éditeur Microsoft au détriment de tous ses concurrents, alors que n’importe quel système d’exploitation constitue avec le matériel un ensemble fonctionnel.
[...] Ce constat démontre d’une part que pour les professionnels, il était tout à fait possible d’obtenir un autre système d’exploitation. Seulement, en se tournant vers un site dédié aux professionnels, les particuliers ne bénéficient plus des garanties propres au droit de la consommation français (par exemple, le droit de rétractation). [...] Pourtant, il ne serait pas difficile de faire autrement, puisque la plupart des constructeurs vendent les mêmes ordinateurs sans OS aux professionnels et que ces ordinateurs sont assemblés bien souvent sur les mêmes chaînes de montage que les ordinateurs grand public… tout cela est donc un faux problème. [...]
La connaissance préalable par le consommateur du préchargement des logiciels dans le matériel informatique, ne doit pas être confondue avec la demande préalable du consommateur sur lesdits logiciels. En effet, il importe peu que le consommateur ait connaissance du préchargement des logiciels s’il n’a pas d’autre choix que de payer les licences logicielles pour pouvoir acquérir le matériel en question, dont il ne peut pas non plus demander le remboursement puisque la société Sony lui refuse au motif que le matériel et les logiciels forment un tout « indissociable ».
[...]
Dès lors que le consommateur est tenu de payer une prestation de services qu’il n’a pas lui-même demandée et qu’il n’a pas de choix, tant sur le produit lui-même qui n’est pas proposé dans une configuration identique sans logiciels, que sur la possibilité de ne pas payer la prestation de service logicielle dont il ne veut pas, il y a indubitablement une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés, donc de vente forcée prohibée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive.
L’arrêt se borne donc à une analyse de la pratique des offres conjointes au regard des articles 5 à 9 de la directive, ce qui est hors sujet.
À cet égard, le point 29 de la directive interdit :
- d’exiger le paiement immédiat (ou différé)
- de produits (les services sont concernés et les logiciels sont une prestation de services)
- sans commande préalable du consommateur (à ne pas confondre avec la « connaissance préalable » du consommateur)
- « ou d’exiger leur renvoi ou leur conservation » (des produits)
Par conséquent, le débat de la vente des logiciels n’est pas tout à fait fini, et la question (à affiner) pourrait être la suivante : la pratique commerciale du préchargement des logiciels dans le matériel informatique, dans les circonstances de l’espèce, constitue-t-elle une offre conjointe ou une fourniture de produits non demandés ?
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Et de manière invraisemblable, la Cour retient au point 40 que les entreprises proposent les produits qu’elles veulent et qu’il appartient au consommateur de se lier contractuellement ou non… [...] En d’autres termes, soit vous êtes d’accord avec « le produit » défini par le constructeur, vous achetez, sinon, passez votre chemin… Comme l’avait plaidé un jour l’avocat de la société ACER à une audience devant moi : « si vous ne voulez pas de Windows, n’achetez pas d’ordinateur ! »…. ce qui revient à constater que la CJUE protège les entreprises qui proposent des « produits » qu’ils définissent eux-mêmes contre les pratiques juridiques déloyales des consommateurs qui posent trop de questions !
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On sait en effet que la question n’est pas de savoir quel est le prix de chacun des logiciels (si on en était à juger ce point, nous aurions déjà gagné celui qui nous occupe aujourd’hui !), mais de connaître le prix de chacun des deux types de produits, à savoir d’un coté le matériel et de l’autre les logiciels.
Ouais donc pour ne pas répondre à la question sur la ventilation des prix entre matériel et les logiciels, la CJUE préfère indiquer qu'il n'y a pas lieu de ventiler les prix au sein des deux groupes (logiciels et matériels).
Cette décision va à l’encontre de ce qui a été jugé par la Cour de cassation précédemment, les magistrats du Quai de l’Horloge ayant considéré en 2011 que le prix des logiciels constituait une information substantielle dont les consommateurs devaient nécessairement avoir connaissance [4]. Avec la CJUE, nous retournons plusieurs années en arrière, preuve que cette institution est incapable de défendre les consommateurs. Je rappelle en outre que la proposition de SONY de rembourser, après discussions, la totalité du prix d’achat est prohibée par le point 29 de l’annexe 1 puisque cela tend à forcer le consommateur à renoncer à son achat et à renvoyer la machine.
En outre, j’ai fait juger à plusieurs reprises que les obligations de renvoi de la machine pour pouvoir obtenir un dédommagement partiel [9] étaient déloyales, notamment en ce qu’elles constituaient un nouveau contrat qui n’avait pas été présenté au consommateur avant la vente.
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En au pire, même si on devait conserver la pratique du préchargement des OS, il demeurerait qu’il serait tout à fait possible de faire payer le prix des logiciels séparément, par l’achat d’une carte en magasin sur laquelle serait indiquée le numéro de série. Microsoft le fait déjà avec sa suite Office et il existe des chargeurs de démarrage qui, depuis des lustres (2008), effacent les OS dont la clé n’est pas validée.
Je vois deux limites à cela :
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Même si je ne m’avoue pas battu parce qu’il reste encore des questions à trancher, la réalité est plus triste : tout le monde se moque de ce problème, même ses détracteurs. En effet, une partie des consommateurs se contente d’effacer l’OS Windows quand ils installent leur OS alternatif, en oubliant que plus du tiers du prix versé l’a été pour payer des logiciels qu’il n’utilisera jamais (300 € sur un ordinateur à 1000 €, ce n’est pas anodin…). Une autre partie des consommateurs refuse de financer des procès et pensent pouvoir obtenir gain de cause en se présentant eux-mêmes devant le juge avec pour seule arme la bonne foi ; c’est peine perdue, on le voit encore ici. Pour ceux qui sont motivés pour des procès, ils ne se rendent pas compte de la complexité juridique de ces affaires (des centaines de pages de conclusions échangées, pendant des années, et le temps énorme qu’il faut y consacrer) et estiment souvent qu’un avocat ne sert à rien. Ils ne comprennent pas non plus que, pour asphyxier les consommateurs plus hardis, les constructeurs mènent des procédures « satellites » en parallèle, ce qui oblige le consommateur à engager des frais supplémentaires qu’à un moment il ne pourra ou ne voudra plus payer. Et si on a le malheur de décourager certains consommateurs de mener de telles actions en ce moment compte tenu du contexte, ils ne comprennent pas que c’est pour les protéger puisque certains tribunaux n’ont pas hésité à prononcer des condamnations financières pour indemniser les constructeurs de leurs frais de justice… ! Tout cela est bien souvent traité légèrement par les juges.
[...]
Quelle serait solution à l’avenir ? Il faudrait une levée de fonds pour faire réaliser une expertise par des professionnels de l’informatique (les professionnels sont déjà sélectionnés) démontrant que le préchargement nuit à la concurrence et qu’installer un OS alternatif sur un disque dur vierge, c’est FACILE .
N-O-N. Ce point m'énerve au plus haut point ! Installer un système d'exploitation autre que celui pré-fourni, ça demande des compétences et du temps. Comme toute autre chose dans la vie. Les geeks font l'erreur de croire que tout le monde a ne serait-ce qu'envie de comprendre les notions sous-jacentes mais c'est une connerie. Générelement, ils-elles considèrent que c'est un peu les compétences de base à avoir pour piger le numérique. D'abord, je réponds toujours que la base de la vie en société, c'est la loi, avez-vous ne serait-ce que des notions de Droit ? Non ? Putain mais c'est la base, pourtant ! De la même manière que plein d'autres sujets ne vous intéressent pas et sont pourtant "la base" pour d'autres personnes que vous. Ensuite, non, installer un système d'exploitation, ce n'est pas comprendre le numérique. On peut très bien comprendre les enjeux du numérique en ce qu'il change la société, en ce qu'il permet une surveillance plus aisée, etc. sans jamais avoir installé un autre OS. Exemple : Michel Rocard et les brevets logiciels. Inversement, on peut être un excellent technicien sans comprendre les enjeux du numérique.
La question sous-jacente qui m'intéresse est de savoir à quel moment la vente forcée devient attaquable : est-ce qu'il faut prouver l'existence d'un concurrent ou est-ce qu'il suffit de prouver qu'il pourrait conceptuellement exister un concurrent ? Évidemment, je pense aux ordiphones, aux tablettes mais surtout à toute la merde qui arrive ou qui est déjà là : TV connectée, réfrigérateur connecté (risques pour la vie privée), lecteur d'ebooks (on a déjà vu des cas de destruction de contenus achetés genre sur les Kindle), lecteur de DVDs (il ne zappe pas les pubs, il peut refuser de lire un contenu dit piraté), voiture connectée (atteintes possibles à la vie des personnes), firmware dans les supports de stockage ou dans les micropuces de nos ordiphones, etc., etc. Conceptuellement, on pourrait avoir des logiciels alternatifs pour tout cela alors que ce n'est pas le cas dans la pratique.