Le lobby des semenciers en est très fier. Comme chaque année, le temps du Salon de l'agriculture, qui s'ouvre ce samedi à Paris le groupement national interproiessionnel des semences et des plants (GNIS) va animer une chaîne de télé. « Des émissions percutantes, pédagogiques et sans tabou », dixit le GNIS. Avec pareille ligne éditoriale, nul doute que Village Semence comme s'appelle la chaîne, abordera l'« affaire du colza », qui empoisonne actuellement le groupe Bayer-Monsanto, l’un des plus grands semenciers mondiaux.
D'ici à la fin avril, avant la floraison, 8 000 hectares de colza contaminé aux OGM doivent être coûte que coûte arrachés en France, sinon leur pollen va disséminer un peu partout les gènes manipulés. A quoi s'ajoutent près de 3 000 hectares en Allemagne.
Tout commence à l’automne dernier, lorsque la Répression des fraudes, au cours d'analyses de routine, découvre des traces d'OGM dans des semis de colza de la marque Dekalb, appartenant à Bayer-Monsanto. Vu que, depuis 2008, la France a banni la culture d'OGM sur son sol, le ministère de l'Agriculture ordonne illico à l'agrochimiste de contacter les agriculteurs qui ont déjà semé le maudit colza pour qu’ils détruisent leurs plantations. Un recensement un brin compliqué : les semoirs étant souvent prêtés d'une exploitation à l’autre, Il suffit que l’un d’entre eux ait épandu une seule fois des graines OGM pour que tous les champs où l'engin a servi soient considérés comme suspects.
A ce jour, 800 cultivateurs ont été retrouvés par une boîte de gestion de crise mandatée par Dekalb. Chacun d'eux doit signer des docs confidentiels. Il y est notamment stipulé que l'agriculteur, indemnisé au prix du marché de sa récolte qui n’aura pas lieu, a interdiction de faire du colza pendant « deux ans » et, durant cette période, de « recourir à un travail profond du sol », et ce « pour éviter l'entouissement des semences qui seraient encore présentes ».
Contacté par le Palmipède, Bayer France reconnaît que Delkab n'avait rien détecté lors des autocontrôles et ne sait toujours pas comment un OGM s'est retrouvé dans ses semis de colza produits en Argentine. La firme a bien une certitude, mais elle est sémantique : « Il ne s’agit pas d'une contamination mais d'une présence fortuite. »
Un grain de mauvaise foi ?
Dans le Canard enchaîné du 20 février 2019.