Les corses savent recevoir : Emmanuel Macron n’attendra pas de passer la journée du 4 avril à Cozzano, village du haut Taravo, transformé en camp retranché, pour s’en apercevoir. Le 1er avril, à Bastia, deux charges explosives ont été découvertes et désamorcées devant deux bâtiments publics. Ce n’était pas une blague.
Quarante-huit heures plus tôt, dans le nord et le sud de l’île, deux villas avaient été partiellement détruites par des attentats. Et, mi-mars, six résidences secondaires avaient subi de sérieux dégâts à la suite d’explosions simultanées de bouteilles de gaz. La précédente « nuit bleue » remonte à décembre 2012. C’est le retour des cagoules ? A en croire un enquêteur, inutile d’attendre une quelconque revendication : « Sur le continent, vous avez les gilets jaunes. En Corse, on a le péril jeunes natios ! Ces attentats sont un message adressé à l’Etat, évidemment. Mais aussi, et peut-être surtout, à la majorité. »
Depuis décembre 2017, et pour la première fois de son histoire, la collectivité territoriale est administrée par une coalition d’autonomistes et d’indépendantistes. Et la base s’impatiente, déçue du peu de résultats obtenus. Les factions les plus radicales reprennent le maquis, les dirigeants de la majorité s’écharpent. Front contre front ?
Signe de ce malaise : Gilles Simeoni, président de l’exécutif insulaire, bénéficie depuis peu d’une discrète protection rapprochée. Selon plusieurs sources, l’avocat autonomiste aurait reçu des menaces explicites. « C’est faux, s’insurge un proche. Gilles circule comme d’habitude, en homme libre. »
Le feu aux poudres
C’est vite dit. fin février, il avait reçu une invitation sans fanfare d’Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat, à la fois soucieux de revenir sur « son discours de vengeance » (dixit les natios) prononcé en février et de préparer sa venue le 4 avril, cherchait à renouer le dialogue. Simeoni a hésité à faire le déplacement. Finalement, ses partenaires de la majorité l’ont convaincu de rester au village…
Le 1er avril, Simeoni a annoncé qu’il n’irait pas non plus accueillir Macron à Cozzano. Précisant que « la majorité reste disponible pour le dialogue », l’élu insulaire anticipe « un rendez-vous manqué », générant « plus de frustration que de satisfaction ». Il annonce aussi « une logique de résurgence du conflit » sur fond de « crise économique, sociale » et de « blocage politique ».
Sans parler de cette revendication nationaliste permanente : la reconnaissance par l’Etat de « prisonniers politiques ». Macron, à l’image de ses prédécesseurs, s’y est toujours refusé. Il a d’ailleurs demandé à Bercy d’accélérer les procédures de recouvrement des amendes infligées aux condamnés pour terrorisme. Il y en aurait pour un peu plus de 10 millions d’euros.
De quoi faire la bombe !
Dans le Canard enchaîné du 3 avril 2019.