Pas moins de 790 millions d’euros. C’est, selon la Cour des comptes, ce qu’aura coûté le musée de la Fondation Louis Vuitton, situé dans le bois de Boulogne, à Paris. Et non pas 100 « petits » millions, comme l’avait promis Bernard Arnault au moment de lancer le chantier. « Un projet immobilier au coût non maîtrisé », déplore la Cour, qui, dans un rapport d’observation provisoire que s’est procuré « Le Canard », confirme des calculs naguère effectués par « Marianne » (13/5/17). L’amour des arts, ça ne se contrôle pas…
Annonçant la création de la Fondation et du musée, Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture, avait lancé à Bernard Arnault : « Lorsqu’ils seront officiellement saisis de votre projet, les services de l’Etat l’examineront avec un intérêt très positif. » Aujourd’hui, le même Donnedieu siège au conseil d’administration de la Fondation. Lequel, selon la Cour, a tout d’un organe croupion : deux de ses six membres n’y ont jamais siégé, et il n’a jamais eu à débattre de la convention passée avec la Mairie de Paris prévoyant que la Ville reçoive 1 million d’euros annuel pour l’occupation de son terrain et récupère le musée au bout de cinquante-cinq ans. Cette redevance, note la Cour, correspond au montant brut annuel des cinq plus gros salaires de la Fondation.
C’est pas du luxe !
Derrière le flamboyant musée d’art contemporain imaginé par l’architecte américain Frank Gehry et réalisé par Vinci, les magistrats ont débusqué une **astucieuse opération d’optimisation fiscale***.
Aux termes de la loi, toute entreprise a, en effet, droit à une ristourne fiscale — 60 % du montant de son mécénat pour une fondation ou une association, dans la limite de 0,5 % de son chiffre d’affaires : une niche qui coûte 930 millions par an à l’Etat. Détail amusant : Jean—Jacques Aillagon, naguère ministre de la Culture et père de cette mesure, est aujourd’hui conseiller de François Pinault, fondateur du groupe de luxe Kering et grand rival d’Arnault. Le monde est petit.
Fiscalité cosmétique
Arnault a tiré un profit maximal de la loi Aillagon. Ainsi, 27 de ses sociétés (La Samaritaine, le joaillier Chaumet, les champagnes Moët & Chandon, la chaîne de cosmétiques Sephora, le couturier Christian Dior ou le groupe Les Echos…) ont versé, en onze ans, 863 millions d’euros à la fondation du groupe. Et, grâce à la défiscalisation, LVMH a récupéré 518,1 millions. L’Etat — donc le contribuable — aura ainsi financé aux deux tiers le musée du bois de Boulogne.
Dans le Canard enchaîné du 26 septembre 2018.