Ce n'est pas la fête, dans les campagnes. Non seulement les paysans sont en voie de disparition, mais jamais ils n'ont gagné aussi peu d'oseille. Plus de la moitié d'entre eux se contentent de 354 euros par mois. Il existe pourtant une solution pour mettre du beurre dans les épinards : diminuer la quantité de pesticides et d'engrais azotés !
Depuis 2007, le Centre d'études biologiques de Chizé, dans le département des Deux-Sèvres, a enrôlé 450 agriculteurs pour mener une expérience de plein champ, unique en son genre. Après cinq ans d'expérimentation sur 45 00 hectares de céréales, la première récolte de résultats a montré qu'en diminuant de 30 à 50 % les quantités d'herbicides et d'engrais, on déplorait, certes, une baisse des rendements de 3 à 5 %, mais que celle-ci était largement compensée par l’allègement de la facture des emplettes en produits chimiques. En divisant par deux la quantité d’herbicides et d'engrais azotês épandus, le céréalier voit son revenu augmenter iusqu'à 200 euros par hectare de blé planté ! Le gain optimal pour le porte-monnaie se situe à 120 kilos d’azote l’hectare, alors qu'en moyenne les agriculteurs français en déversent allègrement 180 kilos.
Tout aussi étonnant, les chercheurs se sont rendu compte qu’en y allant mollo sur les herbicides on n’impacte pas le rendement. En fait, semer du blé revient à faire place nette. Ne supportant pas que d'autres plantes lui marchent sur les racines, il élimine tout seul 80 % des mauvaises herbes. Les pesticides n’éradiquent que les 20 % restants, dont la présence ne perturbe aucunement la pousse du blé.
Pour quoi ces réjouissantes trouvailles de nos chercheurs ne sont pas au menu des Etats généraux de l'alimentation ? Parce qu’elles ne font ni les affaires de l'industrie phytosanitaire ni celles des grandes coopératives agricoles qui font la pluie et le beau temps chez nous. Un monstre coopératif comme Terrena, 5 milliards de chiffre d'affaires à la pesée, se fait du blé en vendant lui-même les pesticides à ses 29 000 agriculteurs adhérents.
A long terme, l'usage immodéré du pulvérisateur pourrait s'avérer catastrophique pour le portefeuille paysan. Dès que vous diminuez le nombre d'insectes butineurs dans un champ, vous effondrez le rendement. Il est temps de pulvériser les idées reçues !
Dans le Canard enchaîné du 25 octobre 2017.