Stéphane Le Foll avait donné le premier coup de hache quand il était ministre de l’Agriculture de Hollande. Emmanuel Macron, lui, prend la tronçonneuse pour tailler dans le statut des « forêts de protection ». Etabli en 1922, ce texte vise à sauvegarder la faune et la flore d’espaces boisés fragiles : aujourd’hui, ces derniers sont menacés par l’avancée des villes et des prédateurs comme les centres commerciaux et les usines. Les plus grands massifs protégés se situent d’ailleurs en Ile-de-France. Concrètement, il est rigoureusement interdit de porter, si peu que ce soit, atteinte à ces écosystèmes.
Mais voilà, quelques semaines avant la présidentielle, Le Foll avait concocté un projet de décret censé vider ce statut de son contenu (« Le Canard », 22/2), vite bloqué par les associations écolos. Vendredi 24 novembre, un groupe de travail était donc convoqué par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, pour examiner une nouvelle mouture du projet de son prédécesseur.
Celle-ci offre sur un plateau deux cadeaux aux lobbys : les forêts de protection pourront voir tomber leurs arbres si on y découvre des gisements de gypse ou des traces archéologiques. Les carrières de gypse (ou « plâtrières ») dévastent le paysage. Côté archéologie, tout chantier de fouilles commence par un abattage des arbres suivi de l’arrivée des pelleteuses. « Après leur passage, il ne reste plus qu’à déclasser le terrain ravagé pour le rendre constructible », râle un défenseur des biches et des petits oiseaux.
Concession aux écolos : les anciennes forêts de protection, comme celle de Fontainebleau, demeurent toujours « sous protection ». Mais malheur à celles dont le classement est récent, tel le bois de Montmorency. Sous cette ravissante forêt se cache une immense carrière souterraine de 30 km2. Il suffira de faire la jonction entre les bulldozers du sous-sol et ceux de la surface.
Au-delà de ces deux cas (gypse et fouilles), le gouvernement vient, pour la première fois depuis 1922, d’utiliser l’arme absolue : le déclassement pur et simple d’une parcelle de forêt de protection. Ainsi, et en se passant de l’avis de Nicolas Hulot, Stéphane Travert a ouvert aux pelleteuses pas moins de 82 ha de la forêt de Saverne, en Alsace, pour faciliter l’agrandissement d’une usine de fabrication de matériels agricoles.
Bienvenue aux défonceurs de la nature.
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Dans le Canard enchaîné du 29 novembre 2017.