Une mainmise accrue des procureurs [ NDLR : donc de l'exécutif ] sur les procédures, l’extension des intrusions dans la vie privée et la multiplication des visioconférences : voilà ce que promet, entre autres réjouissances, le projet de réforme de la justice. Pas sûr, pourtant, que le texte qui sera présenté le 18 avril en Conseil des ministres sortira indemne de son examen par le Conseil d’Etat, dont un éminent membre confie que « certaines dispositions posent problème ». Et c’est peu dire.
Aujourd’hui, autorisées pour les délits passibles de 5 ans de prison, les écoutes téléphoniques, interceptions électroniques, géolocalisations et perquisitions pourraient l’être demain pour les infractions punies de 3 ans. Soit quasiment toutes, depuis le vol à l’étalage… Et ce sera au procureur d’en décider, sans même le regard d’un juge indépendant. Vous pensez que ça ne touchera que les vilains délinquants ? Erreur ! Avec eux, leur famille, leurs proches, leurs copains seront aussi écoutés et localisés.
Quant a la visioconférence, elle sera étendue partout où c’est possible afin d’éviter de coûteuses extractions de prison et les voyages d’experts ou de témoins. Hélas, le terme pompeux de « visioconférence » recouvre des écrans crachotants, et, de ceux qui y apparaissent, on ne capte souvent qu’une voix lointaine et un visage brouillé.
Bon courage pour te défendre dans ces conditions… :(
Sans compter le flou artistique du projet sur la fusion des tribunaux d’instance — dits « de proximité » — avec leurs grands frères, dits, eux, « de grande instance ». Du coup, ce mercredi 11 avril, magistrats, avocats ou greffiers vont manifester devant la Chancellerie contre « une justice déshumanisée ».
Tout de suite les grands mots, quand il ne s’agit que de petites économies…
Dans le Canard enchaîné du 11 avril 2018.