Le ministère de l’Intérieur s’est rendu compte avec stupeur, il y a peu, que ses désormais célèbres lanceurs de balles de défense (LBD), utilisés pour le maintien de l’ordre, étaient classés par la réglementation internationale en… armes de guerre ! L’explication est toute bête : le LBD, à l’origine, est un lance-grenades militaire bidouillé pour devenir une arme antiémeute. Pas de bol : les règlements internationaux, qui prennent notamment en compte le calibre des engins, empêchent de les classer comme des armes civiles…
La Place Beauvau s’est vue subséquemment contrainte de modifier discrétos un appel d’offres lancé en fin d’année dernière pour l’achat de 1 280 nouveaux LBD. A la demande d’industriels — qui craignaient de voir le marché annulé pour irrégularité —, le ministère a dû biffer toute référence à la réglementation « civile ». Ce qui revient à reconnaître le caractère d’arme de guerre du LBD… Heureusement, son fabricant apporte une précision rassurante. Le LBD, explique-t-il, est « une arme à létalité atténuée » (sic). Une mort allégée, c’est tellement plus doux !
Ce détail risque de fournir une cartouche supplémentaire à tous ceux qui réclament l’interdiction de ces engins au motif qu’ils ont déjà éborgné 23 gilets jaunes en 23 week-ends.
Quitte à flinguer un peu plus la com’ de Castaner…
Je pense que la catégorisation n'est pas importante. Un flic peut tout aussi bien faire des dégâts avec des armes de petits calibres (« civiles », donc), une matraque, un poing américain, etc. Ce qui importe, c'est le contexte et l'intention. Acceptons-nous que les manifestations, découlant d'un droit fondamental, soient encadrées de la sorte (ça, c'est le contexte) ? Acceptons-nous que les maniements autoritaires (découlant d'une pulsion d'autorité) de ces armes (de guerre ou non), que l'on nomme pudiquement « dérapages », soient faiblement sanctionnés (ça, c'est l'intention) ? Bref, il faut distinguer les considérations techniques des considérations éthiques.
Dans le Canard enchaîné du 24 avril 2019.