Ces derniers temps, les médias évoquent beaucoup la Turquie, son régime devenu fou et ses journalistes emprisonné⋅e⋅s, mais on entend peu parler de la Pologne. Dire que les eurodéputé⋅e⋅s polonais⋅e⋅s avaient mené un travail fabuleux pour enterrer ACTA… Comme quoi, tout peut changer très vite…
Comme Jaroslaw Kaczynski, le tout-puissant président du PiS (le parti Droit et Justice), au pouvoir en Pologne, doit regretter le bon temps où son jumeau, Lech, était le président du pays, avant sa mort dans un accident d’avion en 2010… Car voilà que l’actuel président polonais, Andrzej Buda, pourtant lui aussi membre du PiS, vient, contre toute attente, de le défier en mettant son veto, le 24 juillet, à deux des trois lois liberticides que le parti a fait voter…
La première de ces lois prévoit de virer tous les magistrats du Conseil national de la justice, dont les nouveaux membres doivent désormais être désignés par le Parlement, dominé par le PiS. Vous avez dit purge ? Et la deuxième, votée par le Sénat dans la nuit du 21 juillet, réduit le nombre de membres de la Cour suprême de 87 à 43, en l’inféodant au ministre de la Justice, qui est également le procureur général…
Dénonçant une violation de la séparation des pouvoirs, l’UE a aussi sec menacé la Pologne de lui retirer son droit de vote au Conseil européen, une sanction jamais utilisée. Mais le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a volé au secours de Varsovie… Un soutien encombrant !
Surtout, des dizaines de milliers de manifestants ont protesté pendant le week-end, y compris sous les fenêtres de Jaroslaw Kaczynski. Pas sûr, pour autant, que le président Duda, en cédant à la rue, se soit vraiment rebellé contre son chef de parti. D’après Radoslaw Markowski, un chercheur cité par « liberation.fr » (25/7), il s’agirait d’une manœuvre de « diversion » menée par les deux hommes, en attendant de refaire passer ces lois scélérates en douce, « une fois la pression populaire retombée ».
Ou alors il s'agit peut-être d'un épouvantail permettant de cristalliser la colère sur ces deux projets de loi alors que le véritable but a toujours été de faire passer la troisième loi. Le brave Peuple pense avoir été écouté, les deux projets de lois sont reportés, mais en fait, il a perdu : ils ont été créés et mis en scène uniquement pour permettre le passage de la troisième loi… ;)
D’ailleur, Duda a entériné, le 25 juillet, la troisième loi, qui donne tout pouvoir au ministre de la Justice de nommer les présidents de tribunaux ordinaires…
Pourvu que Bruxelles ne capitule pas sur la Vistule !
Dans le Canard enchaîné du 26 juillet 2017.