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——————————— Wednesday 09, May 2018 ———————————

Bolloré perd définitivement son premier procès en diffamation intenté à Bastamag - Basta !

Pour rappel, le groupe Bolloré a attaqué en diffamation un article publié en octobre 2012, intitulé « Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres ». Notre article pointait le rôle de grandes entreprises françaises dans le phénomène d’accaparement des terres en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Il mentionnait, entre autres, les activités du groupe Bolloré, via une holding luxembourgeoise, la Socfin. Celle-ci possède une trentaine de filiales, dont plusieurs gèrent des plantations d’hévéas et de palmiers à huile en Afrique et en Asie. Ses pratiques font l’objet de nombreuses critiques de la part des populations locales et d’organisations internationales de défense des droits humains.

La Cour de cassation a confirmé que notre article s’inscrivait « dans un débat d’intérêt général sur l’achat et la gestion [de terres agricoles], par des multinationales de l’agro-alimentaire parmi lesquelles la société Bolloré » et reposait « sur une base factuelle suffisante » sans dépasser « les limites admissibles de la liberté d’expression ». […]

Boom. \o/


D’autres sites et blogs avaient également été poursuivis pour avoir mentionné cet article : le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse, la journaliste Dominique Martin Ferrari, qui a cité l’article sur sa page « scoop it », et deux autres personnes – Thierry Lamireau, retraité de l’Éducation nationale et Laurent Ménard, ébéniste – ayant intégré un lien vers l’article sur leurs blogs. L’arrêt de la Cour de cassation leur est également favorable. Il reconnaît que les publications ou personnes intégrant un lien sur leur site vers un article litigieux mais de « bonne foi » ne peuvent être complices de diffamation.

Cela me semble être un écho à plusieurs jugements de la CJUE concernant des liens vers des contenus protégés par le droit d'auteur.


[…]

Pour Bolloré, comme pour d’autres multinationales, poursuivre médias, ONG et journalistes est une manière délibérée d’entraver leur travail. « En multipliant les procédures judiciaires dans des proportions inédites – quitte à les abandonner en cours de route –, le groupe Bolloré en a fait une mesure de rétorsion quasi-automatique dès lors que sont évoquées publiquement ses activités africaines », écrivions-nous, aux côtés d’autres journalistes et ONG (lire ici : Face aux poursuites-bâillons de Bolloré : nous ne nous tairons pas !). « Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques comme le groupe Bolloré. Objectif : les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le "secret des affaires", quand celles-ci ont des conséquences potentiellement néfastes, demeure bien gardé. » La loi sur le secret des affaires, adoptée fin mars par l’Assemblée nationale, risque de compliquer encore davantage le travail d’enquête journalistique sur les pratiques des multinationales (lire notre article sur le sujet).

En intimidant les journalistes, ces poursuites visent à rendre invisibles celles et ceux qui subissent injustices et inégalités. Quel média continuera de mettre en lumière la question de l’accaparement des terres et de donner la parole aux populations qui y sont confrontées s’il est systématiquement attaqué en justice ? Cette première procédure, qui aura duré cinq ans depuis notre mise en examen, a coûté plus de 13 000 euros à notre modeste budget. C’est, en temps de travail rémunéré, l’équivalent d’une dizaine d’articles comme celui que nous avons publié et sur lequel la justice nous a donné raison. Dix articles que nous n’aurons pas écrits, autant d’informations pour « un débat d’intérêt général » qui n’auront pas été publiées, autant d’injustices qui n’auront pas été mises en lumière.

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