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——————————— Saturday 24, February 2018 ———————————

Les Surligneurs [ financement participatif d'un bullshitomètre juridique ] - GuiGui's Show

Il reste quelques jours pour contribuer au financement des Surligneurs.

Je pense que ce projet est vital : en tous temps, période électorale ou non, en provenance de tous partis et tous journaux, les citoyen⋅ne⋅s se font enfumer par des propositions politiciennes qui seront inapplicables car elles sont anticonstitutionnelles ou très difficiles à définir en droit ou mensongères voire un mélange de tout ça. Avoir à disposition des décryptages sur tout ce bullshit est un enjeu citoyen extrêmement fort. Exemples de bullshit : Macron et sa prétendue moralisation de la vie politique ; Poutou et son interdiction du licenciement économique ; Mélenchon et son abrogation intégrale de la loi El Khomri ; Philippot et son "Bruxelles nous impose tout mouin mouin !" ; la droite (dont Fillon) et sa veille rengaine de peines-planchers automatiques ; etc.

De plus, nous avons besoin de comprendre certaines notions juridiques afin de former une opinion sur les sujets de société. Comme l'euthanasie ou le fonctionnement de notre processus législatif.

Détends-toi | Emma

‒ Eh mais détends-toi un peu !
‒ Du calme, on déconne !
Ça vous est déjà arrivé d'entendre ça après vous être agacée d'une remarque ou d'un comportement déplacé ? Moi oui, souvent.

‒ T'as pas de très belles mains quand même.
‒ Wah t'as pris du cul !
‒ Faut mettre des strings, on voit la marque de votre slip là !

[…]

J'ai répondu sans réfléchir, par réflexe. À chaque fois, c'est ma réaction de défense, plus que l'attaque, qui semblait déplacée. Et je finissais fautive. Est-ce moi qui étais trop susceptible et acceptais mal les « blagues » et les « conseils » ? Nommons les choses clairement : faire croire à une personne blessée qu'elle est la fautive, c'est de la manipulation émotionnelle.

Et le subir régulièrement tend à nous faire perdre nos repères. C'est tellement humiliant de devoir s'excuser d'avoir été blessée, que progressivement, on finit par ne plus réagir du tout aux provocations. Aujourd'hui, comme beaucoup de femmes, je suis devenue incapable de discerner les situations dans lesquelles je suis légitime à me mettre en colère.

Ce contrôle social de nos émotions commence dès l'enfance. Chez les petits garçons, l'agressivité est considérée très tôt comme normale. Elle fait partie des qualités vues comme nécessaires pour « devenir un homme ». Plus tard, ce stéréotype leur coûtera très cher. Déjà, car ceux qui n'y correspondent pas, considérés comme « pas des vrais hommes », subissent de nombreuses humiliations… et aussi parce que les autres, pour ne pas subir le même sort, tentent de prouver leur virilité par des comportements violents et à risque.

Les petites filles n'ont pas ces problèmes car chez elles, on contrôle très tôt les manifestations d'agressivité. Tout au long de leur vie, on va les encourager à rester douces en présentant leur agressivité comme inadéquate. Une fois adulte, on dira d'une femme qui se fâche qu'elle est émotive et irrationnelle, car ce n'est pas une émotion perçue comme normale.

Ce sera toujours parce qu'on a nos règles ou qu'on a « un problème ». Mais le problème sera toujours dans notre tête ou dans notre corps, jamais extérieur. On a même inventé des termes spécifiques pour les femmes qui se fâchent. Comme par exemple « hystérique », qui vient du mot « utérus », créé juste pour nous ! Ou la fameuse « mégère » qualificatif anciennement attribué aux femmes qui avaient le culot de ne pas vouloir se taper toutes les tâches à la maison.

Nous, nous n'avons pas envie d'être des hustériques ou des chieuses. Alors nous finissons par nous taire… ou par exprimer nos émotions de façon détournée, lissée, pour ne pas paraître agressives. « T'es en retard. » -> « Je t'attends pour manger ? :) »

Alors je dis pas que la finalité est de se hurler les uns sur les autres… Mais canaliser sa colère ne veut pas dire l'étouffer ! Déjà parce qu'elle finit toujours par nous revenir en boomerang sur le derrière de la nuque… et puis surtout parce que c'est une émotion saine de réaction à tout un tas de choses qu'on subit : irrespect, provocations, agressions physiques ou verbales.

Prendre l'habitude d'étouffer ce signal nous laisse paralysées en situation d'agression, car nous n'avons plus confiance en nos réflexes défensifs.

Nous exécutons un numéro d'équilibriste quotidien, coincées entre les injonctions à savoir se défendre et les accusations d'hystérie quand nous le faisons.

C'est flagrant dans le monde politique : les hommes, eux, peuvent se mettre à crier, jurer, gesticuler sans risquer d'être traités d'hystériques ou d'être critiqués sur la laideur de leurs expressions faciales. Ça les aides même à convaincre et à se faire élire. Pour les femmes, ça ne fait pas partie des options possibles.
‒ Han même elle pète un plomb là ! Elle a ses règles ou quoi ?
‒ Elle va nous déclencher une guerre en moins d'un mois celle-là !

Oui, c'est ce qu'on disait de Ségolène Royal dans mon entourage, en 2007. Avec la boule de nerfs Sarko en face d'elle, le contraste était… saisissant. Ce traitement différencié continue à l'heure actuelle… Y'a qu'à regarder le traitement des actions de Hidalgo ou de Royal par le Canard enchaîné, par exemple…


Si la colère assoit le charisme des hommes, à l'inverse, elle décrédibilise les femmes.

Il existe à ce sujet une étude édifiante : en 2015, 200 étudiant⋅e⋅s ont participé à une simulation de procès virtuel. On leur a présenté des photos de preuves, des témoignages et l'argumentaire des avocats. Les étudiant⋅e⋅s ont alors échangé avec 4 jurés : 3 du même avis qu'eux et un en désaccord. Le juré en désaccord s'exprimait avec beaucoup de colère, utilisant majuscule et ponctuation excessive. En réalité, les avis n'étaient pas donnés par de vraies personnes, mais des réponses programmées et affichées par l'ordinateur. Pour chaque étudiant⋅e, le juré en colère donnait exactement les mêmes réponses, avec les mêmes majuscules et ponctuation. Sauf que… dans la moitié des cas, il s'appelait Jason… et dans l'autre, Alicia. À la fin de l'expérience, Jason en colère a fait changer d'avis 18 % des étudiant⋅e⋅s… Et Alicia… zéro. Et même plus, la colère d'Alicia a eu tendance à renforcer les étudiant⋅e⋅s dans leur position initiale.

[…]

À long terme, nous devons apprendre à nos enfants, indépendamment de leur genre, que la colère est une bonne émotion, un signal utile ! Tout en leur donnant des outils pour l'exprimer efficacement. Et puis la prochaine fois que vous trouverez une femme agressive… vous pouvez vous demander si vous penseriez la même chose d'un homme.

C’est pas bien, mais … | Emma

J'ai eu ma première expérience sexuelle à 18 ans. Mon partenaire avait un comportement abusif « Allez, tu ne peux pas me dire non maintenant ! » mais j'avais tellement intégré que c'était comme ça, que je ne me suis pas vraiment défendue.

Un peu comme ces ados qui se sentent obligées de « passer à la casserole »… De même pour ces ados qui se sentent socialement obligés d'avoir une expérience sexuelle jeune.


On savait tous les deux que forcer quelqu'un c'était mal, mais on nous avait dit aussi que ceux qui faisaient ça, c'était des inconnus. Forcément moches, forcément violents et cachés dans des parkings ou des ruelles sombres. Mon copain n'était ni un inconnu, ni moche ni violent. C'était un mec lambda avec des tendances abusives « Mais moi j'ai envie ! Et tu veux qu'on reste ensemble, non ? » qui a grandi dans une culture l'encourageant à les exercer.

[…]

Même s'ils admettent, à un moment ou à un autre de leur vie, s'être passés du consentement éclairé de leur partenaire, ce n'était pas le plus important. Le plus important pour eux était de ne pas être mis dans la case « agresseur ». Pourtant, qu'on parle de culpabiliser sa partenaire jusqu'à ce qu'elle cède, de profiter d'une amie soit soûle pour abuser d'elle ou d'utiliser la contrainte physique c'est la même idée qui est à l'œuvre : le consentement des femmes en matière de sexualité importe peu. Ce qui est important, c'est d'obtenir du sexe.

Les abus sexuels, ce n'est pas un ensemble d'actes « pas bien mais ça va encore » qui deviendraient soudain un crime quand on les commet sur une inconnue ou avec un couteau. C'est un continuum, un ensemble de comportements abusifs encouragés par la culture du viol, de degrés divers, mais consistant tous à se passer de consentement. Ils ne sont pas tous illégaux, mais ils sont tous à proscrire !

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