Coût de la première tranche du parc éolien en mer français : 22,3 milliards. Prix d'achat de l'électricité produite : 131-155 €/megawattheure. Prix de marché de l'électricité (toutes sources confondues) : 51 €/megawattheure.
Brasser du vent peut s’avérer fort onéreux ! Les six premiers parcs éoliens offshore, implantés dans la Manche et l’Atlantique, vont mobiliser une manne d’argent public supérieure aux estimations initiales : 22,3 milliards d’euros sur vingt ans ! Encore s’agit-il d’une évaluation minimale.
Jusqu’à présent, le gouvernement avait gardé ce chiffre secret. Mais la Commission européenne a mangé le morceau. Le 26 juillet, Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence, a validé les subventions accordées par les autorités françaises aux six parcs marins. Passé inaperçu, le document accompagnant cet avis fournit tous les détails des prix, non sans les assortir de quelques commentaires assassins…
Sélectionnés en 2011 et en 2012 à l’issue de deux appels d’offres, les aménageurs de ces fermes éoliennes se verront octroyer une subvention de 3 à 4,9 milliards d’euros par parc, sous forme de « tarifs garantis » d’achat d’électricité. Cette aide compensera la différence entre le coût de l’électricité produite à partir de l’énergie éolienne en mer et le prix de marché de l’électricité durant vingt ans, ce dernier chiffre — 51 euros le méga-wattheure — étant resté jusque-là inédit…
Silence, on tourne
Si la Commission a donné son feu vert, elle n’en critique pas moins un coût « élevé en regard d’autres projets éoliens en mer développés à l’heure actuelle avec des technologies plus récentes, dans d’autres pays enropéens mais également en France ». Le 10 décembre 2018, en effet, EDF a remporté un nouveau marché à Dunkerque en proposant un prix de rachat record de 44 euros le méga-wattheure, soit trois fois moins que ce qu’affichent les six parcs de la Manche et de l’Atlantique ! Selon le tableau publié par la Commission, les « tarifs garantis » d’achat s’échelonneraient de 131 euros pour Dieppe-Le Tréport a 155 euros pour Saint-Brieuc.
Et encore ! pour le contribuable, cela aurait pu être pire ! Il a fallu qu’en 2018 Edouard Philippe menace les industriels d’enterrer tout le programme pour que ceux-ci acceptent des prix de rachat plus modestes (« Le Canard », 8/5). A l’origine, EDF, Engie et l’espagnol Iberdrola espéraient empecher 200 euros par méga-wattheure**…
Ces coûteux champs de moulins à vent devraient commencer à tournoyer en 2020 ou en 2021. Une transition énergétique à la française qui débutera avec dix ans de retard sur bien des pays européens…
… Ce qui n'est pas forcément un tort : le temps permet d'affiner les techniques, les outils, les méthodes d'exploitation, etc.
Dans le Canard enchaîné du 4 septembre 2019.