Ce sont des remarques tout à fait pertinentes, mais je pense que ça n'est pas une raison pour abandonner ces alternatives qui sont sans conteste nettement meilleures à de nombreux niveaux bien que loin d'être parfaite ou sans défauts.
Tout à fait. La provocation a pour but de… provoquer une réaction.
Par contre, les griefs que j'ai formulé me donnent moins envie de contribuer aux projets. Dans le sens où ces alternatives ne constituent plus tellement le monde que je souhaite atteindre.
Concernant le CDN Debian : mon propos initial mentionne les autres dépôts.
C'est l'aspect « par défaut » qui est ennuyeux. Ça peut faire boule de neige auprès des autres systèmes ("si Debian le fait, pourquoi pas nous ?") et avoir un effet prescripteur / flemme de changer auprès des adminsys (chez mon employeur, on reste le plus possible conforme au "par défaut Debian" au motif qu'on est moins compétent que toute la communauté pour décider de tout un tas de choses ‒ ce qui n'est objectivement pas faux ‒).
Je nuancerai juste : on ne bascule pas tout un parc en changeant trois lignes (ça se prépare, ça s'automatise, ça se supervise, etc.), mais je pinaille. :D
Concernant le mécénat de sociétés commerciales, il ne se limite de toute façon pas aux alternatives et je comprends la thèse "si une entité nous aide, partage des vues avec nous, suit vaguement nos règles, peu importe que ce soit une société commerciale et qu'elle fasse des trucs crades par ailleurs, autant se servir d'elle pour avancer nos idées". Elle est détaillée ici.
Mais je ne la partage pas. Car dans mon monde idéal personnel, il n'y a pas de multinationale (je reste sur Fastly). Il y a un contrôle communautaire de nos infrastructures. Il y a un savoir-faire (comment construit-on et maintient-on un CDN ?) connu par la communauté. Si je m'implique dans un projet, c'est pour aller vers mon monde idéal, pas pour laisser un pied (et même plus) dans le monde que je conchie en espérant qu'un jour on y arrivera par magie après moult compromissions.
Bien entendu, rien oblige une communauté (Debian, OSM, etc.) à partager ma vision… et rien m'oblige à contribuer à un projet dans lequel je ne me reconnais pas. C'est bien ça qui m'ennuie : voir mes idéaux de plus en plus réduits, de moins en moins atteignables.
Concernant OpenStreetMap. Tu confirmes mes propos : on est dans le choix du moins pire (afin que l'alternative perdure, certes), pas en train de construire un monde idéal partagé, ce qui rend l'alternative moins intéressante. En effet, pourquoi faire des efforts d'utilisation voire de contribution si, in fine, il n'y a pas de différence fondamentale à l'usage ? C'est cela qui, pour moi, explique, en partie, l'absence d'intérêt et d'implication pour plusieurs choses : syndicats, partis politiques, alternatives etc. : ne pas voir de différence forte entre l'existant et les propositions ni entre deux propositions. Il faut des projets désirables.
OSM a (avait) son propre CDN, mais, comme d'hab, s'il n'y a pas assez de volontaires, bah ça dépote pas assez. Là aussi, ça me rend triste car ça signifie que cette alternative n'intéresse pas grand monde… Du coup, pourquoi se fatiguer à contribuer puisque Google Maps et autres répondent aux besoins ?
Déterminer si Fastly est un élément central dans OSM, ça dépend de ton angle de lecture. Si tu considères que l'apport clé d'OSM c'est les données géographiques ouvertes en elles-mêmes (et donc que l'important est leur partage et leur réutilisation dans des usages y compris hors Fastly, comme une appli GPS par exemple), alors Fastly n'est pas central. Si tu considères que l'apport c'est aussi un site web pour distribuer une carte géographique libre et communautaire au plus grand nombre, alors le fait que Fastly soit devenu nécessaire dans la diffusion de ce site web (sinon pourquoi y être passé + lien ci-dessus), confirme la centralité de Fastly (mais, oui, comme pour Debian, en cas de faux pas de Fastly, il "suffira" de changer de sponsor).
Equinix me dérange moins. Location de salles machines. C'est de l'immobilier (pour faire simple), du passif, sans intelligence, le nombre de risques est moindre et l'acteur est interchangeable plutôt facilement (coût financier et technique).
Concernant les FAI associatifs. Oui, j'évalue avec ma propre grille de lecture. Je ne tiens pas compte de ton point "chaque FAI est libre de faire comme il veut", car c'est tout aussi vrai pour Debian ou OSM. Gitoyen ne peut pas grossir """"indéfiniment"""" et ça fait seulement quelques années que la boutique tourne à nouveau.
Concernant Cogent, je suis scié. J'avais suivi l'histoire à l'époque et j'étais convaincu que la décision de la justice espagnole visait TPB. :O Quand TPB avait convenu avec CloudFlare de changer d'IP, Cogent avait adapté son filtre. Mais, en effet, a priori, TPB n'était pas visé.
Mon illustration tombe à l'eau mais mon raisonnement reste intact : dépendance à une multinationale ricaine, dépendance à un seul acteur qui peut être en panne, mal se comporter (techniquement, commercialement, etc.) ou appliquer une décision de justice au-delà des limites de la juridiction. Je ne sais pas ce qu'il en est actuellement, mais, y'a encore 3 ans, tu n'avais pas accès à l'empire Google en IPv6 ni à Hurricane Electric IPv6 depuis Cogent.
D'accord avec le reste, mon propos initial dénonçait le même problème clé : se reposer exclusivement sur un seul acteur. Et évidemment que c'est une histoire de sous et donc du nombre de personnes intéressées par un FAI associatif, comme pour Debian ou OSM. Et évidemment que y'a des enjeux autour du refus de peerer de nombre d'acteurs au motif qu'ils sont gros donc en capacité d'être relous ou qu'ils considérent que payer un transitaire amène une qualité de service supérieure (et/ou moins de contraintes techniques en interne pour la garantir).
Concernant Firefox, je n'ai pas d'avis sur le fond, mais je relève quelques biais dans ton analyse.
Le troll "financement par Google" est facile après-coup (il permet de broder une volonté de Mozilla de se compromettre dès l'origine et d'avoir construit un parcours lui permettant, in fine, de prendre des sous chez Google) et il n'excuse pas tout : il y avait eu des compromissions discutables avant ce financement par Google.
De la même manière, se nommer « tueur » et avoir la volonté de devenir significatif en nombre de parts de marché ne condamne pas à faire n'importe quoi : Mozilla aurait pu utiliser le poids acquis pour faire changer des normes (x509, par exemple) ou pour mieux se comporter (les trouzemilles options de flicage de Firefox pour faire simple et court).
Et, ici comme dans d'autres cas, ceux qui ont fait / promu Mozilla ont faillit à se faire entendre.
D'accord avec ta conclusion. Tu définis la bonne priorité : compréhension et ré-appropriation de la technologie. En revanche, de mon point de vue, cette priorité ne justifie pas qu'on s'arrête à la moitié du chemin, qu'on fasse encore et toujours les mêmes erreurs (confiance en de gros acteurs, non maîtrise des infrastructures, etc.) au motif d'une stratégie du moins pire / de survie.
Après, j'ai un doute croissant. Je ne suis pas certain qu'il faille se réapproprier uniquement la technologie. Pourquoi faudrait-il plus se ré-approprier la technologie que la façon de se construire un abri, faire pousser ou élever de la nourriture, développer des systèmes d'échanges et de communication, se soigner, transmettre le savoir, savoir-faire et savoir-être, etc. Je me demande de plus en plus si la clé n'est pas là : maîtriser ces briques de base de la vie afin de fuir le monde moderne (emploi, travail capitaliste, surconsommation, métropoles, etc.). Et si l'écrasante majorité de la technologie détournait notre attention ?