Les données concernant une journaliste « figuraient illégalement » dans les fichiers de la Direction du renseignement militaire (DRM), vient de révéler le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 novembre. La consœur, Camille Polloni, du site d’information Les Jours, s’était elle-même adressée aux juges. Mais il lui a fallu attendre six ans — et un changement de législation — pour que la procédure parvienne à son terme.
Les juges ont d’abord fait chou blanc dans les services réputés s’intéresser aux activités des journaleux, comme la DGSl et la DGSE (Sécurité intérieure et extérieure) ou la DRSD {l’ex-Sécurité militaire). En revanche, ils ont fait bonne pioche à la Direction du renseignement militaire.
Etrange, car, comme le claironne sa devise, « Renseigner nos armées pour préparer la victoire », le boulot de ce service rattaché au chef d’état-major des armées se résume à savoir si l’ennemi va attaquer par-devant ou par-derrière.
D’autres journalistes étaient-ils concernés ? Quels renseignements étaient stockés ? On ne le saura sans doute jamais. La loi Renseignement, votée en 2015, confie les minces possibilités de recours à une formation spécialisée du Conseil d’Etat qui ne peut dévoiler le contenu de ses trouvailles aux plaignants.
Camille Polloni vient de déposer une plainte auprès du procureur de la République de Paris pour — entre autres délits — « collecte et conservation illégale de données personnelles » et « atteinte à la vie privée et au secret des correspondances ».
Mais la justice ne trouvera pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et pour cause : le Conseil d’Etat a lui-même ordonné la destruction du fichier litigieux.
Dans le Canard enchaîné du 22 novembre 2017.