Comment sortir du grand débat ? Telle est, évidemment, la question qui agite, jour après jour, tous les esprits d’en haut.
« La synthèse risque de déclencher un bordel sans nom », résume un ministre qui participe aux réunions préparatoires. Mais Emmanuel Macron, qui continue de consulter tous azimuts — aussi bien les politiques que la société civile et les communicants —, est résolument optimiste sur ce qu’il ne cesse de présenter comme l’« acte II » de son quinquennat. « A condition, a-t-il précisé, de saucissonner (sic) les réponses et de les étaler dans le temps. »
Premier « saucisson » : il s’agit de prendre des mesures immédiates et visibles, qui auront un impact concret sur la vie des Français. Sans plus de précisions quant à leur coût.
Deuxième « saucisson» : l’élaboration d’un « pacte républicain de progrès », décliné en leçons sur « le vivre-ensemble, le civisme et la laitité ».
Troisième « saucisson » : le « nettoyage des institutions ». Au programme, la réanimation de la réforme constitutionnelle envisagée au début du quinquennat, avec la réduction du nombre de parlementaires et l’instauration d’une dose de proportionnelle. Mais aussi la réforme du référendum d’initiative partagée (déjà voté par Sarko), pour le rendre plus accessible et éviter le RIC. Enfin, un train de mesures pour associer les citoyens aux processus décisionnels. Point d’orgue : le lancement d’« une nouvelle vague de décentralisation équivalente à celle de 1982 », qu’avaient conduite Mitterrand et Defferre. Rien de moins.
La décentralisation a d’ailleurs constitué le plat de résistance du dîner qui a réuni, le 6 mars à l’Elysée, plusieurs ministres (Philippe, Rugy, Le Brian, Le Maire, Darmanin, Gourault) et dirigeants de la majorité (Bayrou, Guerini, Le Gendre). C’est Gérald Darmanin qui s’est fait le héraut de cette nouvelle décentralisation, mais c’est Macron qui l’y avait incité.
« Si on va vers une nouvelle étape de la décentralisation, a affirmé Darmanin, il faut y aller franchement, transférer les compétences et les financements qui vont avec. S’il y a des collectivités qui veulent construire plus d’infrastructures, il faut qu’elles l’assument et qu’elles puissent lever un impôt pour les financer. Et, comme il y a, par ailleurs, beaucoup d’échelons, la bonne façon de les rapprocher, c’est le conseiller territorial. »
Comme chacun le sait, le conseiller territorial est un élu d’un nouveau type, qui devait être à la fois conseiller départemental et conseiller régional. Sarkozy avait fait adopter son principe par le Parlement, mais la loi n’avait pas eu le temps d’entrer en vigueur, Hollande l’ayant abolie dès son élection. En tout cas, de Castaner à Le Drian en passant par Rugy et Bayrou, le retour de ce conseiller territorial a fait l’unanimité, Macron insistant sur la nécessité de « favoriser les synergies, supprimer les doublons, simplifier et accélérer les démarches pour les élus locaux, les entreprises et les citoyens ».
Cette mesure provoquera l'effet inverse : moins d'élus = moins de représentativité et plus de professionnalisation du rôle politique, car cela signifie moins de temps pour traiter les sujets, donc on aura des technocrates spécialisés sur des sujets précis, ignorants sur les autres sujets (ce qui laisse la porte grande ouverte aux lobbys professionnels) et loin des réalités du terrain et des citoyens par manque de temps.
Sans parler des économies réalisées : 3 500 conseillers territoriaux succéderaient aux 6 000 conseillers départementaux et régionaux actuels !
Dernière décision en date : Macron ne se placera pas en première ligne pour présenter les résultats du grand débat, il laissera les « garants » s’exprimer et le gouvernement faire, le 9 avril, une déclaration sans vote devant le Parlement. Ça va être dur pour lui de s’effacer !
Dans le Canard enchaîné du 13 mars 2019.