Selon le projet de loi de financement de la Sécu 2020 actuellement débattu au Parlement, une partie des dépenses estimées des hôpitaux ne sera pas financée, ce qui contraindra mécaniquement les hostos à réaliser 800 millions d'économies en 2020. Les 754 millions d'euros annoncés par la sinistre de la santé sont un redéploiement, c'est-à-dire qu'on flèche pour les urgences de l'argent jusque-là consommé par d'autres services des hôpitaux (source : Siné mensuel d'octobre 2019). En 15 ans, le coup de rabot s'élèverait à 8,6 milliards d'euros. :O Les patients sont mis en danger : les soignants consignent, dans des registres officiels (OSIRIS au sein de l'APHP, par exemple), des erreurs de prescription (confusion létale entre chlorure de sodium et chlorure de potassium, par exemple), des situations hors de contrôle et d'autres pratiques erronées quotidiennes dues à la fatigue et à la surcharge de travail (source : le Canard enchaîné du 04/09/2019). Les infirmières et les aides-soignantes renoncent à leur vocation plutôt que d'avoir des idées suicidaires et des salaires de merde. La sinistre de la santé estime que le budget 2020 prévu préserve l'hôpital, cherche l'erreur.
Je pense qu'il faut revenir à des raisonnements simples. Voulons-nous un service public de soins ? Oui ou non. Quels domaines de la médecine doit-il couvrir (j'imagine qu'environ personne est partant pour financer des pratiques de charlatans, etc.) ? Quelle qualité de service doit-il assurer (des soignants à bout de souffle est-il tolérable ? Atteindre des heures dans un couloir voire décéder par absence de soins est-il acceptable, etc.) ? Des réponses simples à ces questions simples permettent de nous décider collectivement puis d'évaluer le coût associé au service désiré. Une fois que c'est fait, les citoyens assument et payent via un unique impôt compréhensible et non déguisé. Point barre. Simple. Ça ne part pas dans tous les sens.
Au secours, l’hôpital coule ! Mais Macron n’y peut rien : « La crise actuelle à l’hôpital, c’est une crise qui vient de loin, qui vient de vingt ans de serrage de boulons », s’est défaussé Jupiter le 3 octobre, à Rodez, lors d’un débat sur les retraites. Le mieux est donc… de poursuivre ce régime de malade !
Le budget 2020, annoncé le 30 septembre en Commission des comptes de la Sécurité sociale, n’inverse nullement la vapeur. il impose même un nouveau « serrage de boulons » : les hôpitaux devront encore réaliser 800 millions d’économies cette année ! A l’heure où ils traversent une crise d’une ampleur inédite, il fallait oser…
Le budget (l’Ondam hospitalier, dans le jargon) progressera de 2,1 %, là où les dépenses augmentent mécaniquement de 4 %. Un énième coup de rabot « incompréhensible », a dénoncé la Fédération hospitalière de France (FHF) : « C’est une douche froide, a tonné son président, Frédéric Valletoux. Je pensais que le gouvernement avait mesuré l’urgence d’apporter de l’oxygène aux établissements de santé. » Eh non !
Faire bloc
En quinze ans, selon la FHF, les économies effectuées s’élèvent à 8,6 milliards. Continuous gaiement : à ce rythme, l’hôpital public va tout bonnement « s’effondrer », avertit le Collectif Inter-Hôpitaux, qui, loin d’une bande de doux dingues, réunit la crème des professeurs de médecine et des centaines de soignants. Lors d’une assemblée générale effervescente, le 10 octobre, ces casseurs d’ambiance ont réclamé un budget hospitalier à la hauteur des dépenses, et 300 euros d’augmentation afin de revaloriser les salaires « indignes » des infirmiers et des aides-soignants.
Les huiles de la faculté ne savent plus comment faire comprendre « la gravité de la situation » : « La médecine d’urgence n’est que (…) le premier maillon à craquer. Demain, la crise pédiatrique risque de faire très mal », a averti le professeur Bruno Riou, le très raide doyen parisien. Et ce n’est qu’un début : « l’effondrement de certaines structures » a déjà commencé.
Sous perf
A Paris, faute de personnel pour les faire tourner, 900 lits sont actuellement fermés. Les soignants fuient en masse des salaires trop bas et des conditions de travail délirantes. « Tous les jours, je reçois dans mon bureau des infirmières en larmes qui partent. On est devenus des manageurs de la colère », a témoigné une cadre lors de l’assemblée générale du 10 octobre. « Un jour, je suis arrivée dans mon service. Je me suis dit : “C’est la que je vais me pendre." C’est la que je suis partie [de l’hôpital] », a raconté une aide-soignante. Une infirmière de la Pitié-Salpêtrière, elle, avait du mal à retenir ses larmes : « Je vis dans une chambre de garde depuis un an car je n’arrive pas à me loger avec mon salaire. »
Dimanche 13 octobre, sur CNews, Agnès Buzyn a reconnu « un problème de rémunération ». Mais, dans « Les Echos » (9/10), elle s’est aussi félicitée sans rire : « Avec ce projet de loi (de finances), nous préservons l’hôpital. »
Plus c’est gros, plus ça casse ?
Dans le Canard enchaîné du 16 octobre 2019.