Quand on devient parent, on apprend assez vite diverses techniques de manipulations^w éducation bienveillante pour faire coopérer son enfant. « on va au bain ? ». Le but étant de l'amener à faire ce qu'on a décidé en lui laissant croire que c'est lui qui a choisi : « tu veux aller au bain avec le petit poney ou avec le spiderman ? ». « Avec le petit poney ! » « Très bien, comme tu veux. Hihi ». Les éducateurs appellent ça « l'intervention démocratique ».
J'ai mis plusieurs années à comprendre qu'on nous faisait voter pour la même raison : nous donner l'impression d'avoir choisi pour nous faire accepter docilement le traitement qui s'en suit. On vote pour le spiderman PS ou le petit poney UMP.
Alors avec les enfants, le problème, c'est qu'ils sont un peu anarchistes. Une instruction, ça doit être justifié. Mais les gens, on ne peut pas qu'ils demandent des explications. Alors on les habitue très tôt à croire en l'autorité d'autres personnes. À l'école, on leur parle beaucoup de grands hommes sans qui tout se serait mal passé, parce que les gens normaux, c'est rien que des nuls.
Et puis on raconte aux gens que leurs ancêtres, ils se sont battus pour avoir le droit de choisir un chef, pas pour être libres. Et qu'élire un chef, c'est ça la démocratie.
Les gens y croient de moins en moins, mais à chaque élection, entre à peu près la moitié d'entre eux vont docilement choisir qui décidera à leur place. « Je suis trop super libre ! ».
Alors au premier tour, il y a quand même des candidats dont on veut pas, mais alors pas du tout. Parce que leur programme, c'est de mettre fin à cette histoire de chef et de laisser les gens décider de ce qui est bien pour eux. Ce sont les candidats des partis révolutionnaires. Ils pensent que contrairement aux chefs, qui sont même pas foutus de conduire leur voiture tous seuls, les gens « normaux » sont suffisamment pragmatiques pour gérer ensemble les affaires publiques. Ils appellent ça « l'intelligence collective ». On a très peur que les gens commencent à écouter ces partis. Du coup, on demande aux médias de les ridiculiser.
Ça marche assez bien, et au deuxième tour, il n'y a plus que les bons candidats. Là, il n'y a plus qu'à faire croire aux gens qu'il y a un choix très important à faire. Il faut que les candidats aient des noms très opposés « gauche, droite » et qu'ils se disputent très fort à la télé. En vrai bien sûr, les candidats ne sont pas du tout opposés. Ils veulent juste la place du chef. « À moins le bureau rutilant, le coiffeur à 8000 boules par mois, le chauffeur et les 7 collaborateurs à vie !!! ».
Pour ça, ils apprennent très tôt les techniques pour se faire élire, à peu près tous dans les mêmes écoles. Et c'est tout ce qu'ils savent faire. Ils ne savent pas […] gérer un pays. C'est pas grave, parce qu'en vrai, c'est pas eux qui prennent les décisions : ils font juste ce qu'on leur dit.
« On », bien sûr, c'est ceux à qui tout ça profite. Car les gens rendus dociles travaillent très dur pour les rendre riches.
Au bout d'un moment, comme le candidat n'a tenu aucune de ses promesses, les gens ne votent plus pour lui. Mais il s'en fiche parce qu'il a le droit à une indemnité à vie. Et puis, en échange d'avoir été gentil avec les riches, il pourra aller travailler comme conseiller dans leurs entreprises.
Bon. Pour en revenir aux enfants, un autre souci, c'est que quand ils ont trop de contraintes, ils finissent pas s'énerver. Alors là, la technique, c'est de leur donner des moyens inoffensifs d'exprimer leur colère : ça peut être taper dans un oreiller, crier très fort ou lancer un ballon en mousse. « je comprends ta colère, tu as le droit d'être fâché (mais tu iras au bain quand même) ».
C'est pareil avec les gens. Si à un moment ils s'énervent, on les laisse manifester et signer des pétitions : ça leur fait du bien et ça change pas grand chose. « Nous comprenons votre colère mais nous pensons que c'est un problème de communication : notre loi sur l'allongement du temps de travail et la baisse des salaires a simplement été mal comprise. ».
Mais si les gens commencent à vraiment vouloir changer de système (nuit debout, ZAD, justice et vérité), alors là… on leur fait peur et on leur fait mal.
Les enfants, eux, comprennent assez vite qu'on est en train de les arnaquer. « Je prends ni le petit poney, ni le spiderman mais dès que je sens trop mauvais, promis, je vais au bain tout seul. ». Heureusement, ils grandissent et pour les trucs chiants, ils finissent par s'organiser tous seuls. Pour les gens, on dirait que c'est toujours pas gagné pour l'instant « en marche avec toi, fais battre mon cœur, ho oui, prends mon argent ».