Mais en y réfléchissant bien, un tel moyen d’acquérir la certitude de la commission – ou non – d’une infraction serait-il conforme à tous nos principes encadrant la procédure pénale ? L’utilisation du Veritaserum afin de faire cracher le morceau à un suspect en garde-à-vue n’est-elle pas contraire au droit à l’égalité des armes, au droit de garder le silence, à celui de ne pas être obligé de s’incriminer soi-même ? […]
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L’aveu souffre encore aujourd’hui d’une croyance largement entretenue par les médias et les séries quant à sa force probatoire. Si l’aveu était considéré sous l’ancien régime, selon la formule bien connue, comme « la reine des preuves », cette maxime n’a plus lieu aujourd’hui, comme nous le fait si justement remarquer l’article 428 : « l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges ». Exit donc l’aveu placé au sommet de la hiérarchie des preuves ! Il n’est désormais pas plus probant qu’un témoignage ou une attestation…
…En théorie. En pratique, il est relativement difficile de se dépêtrer d’un aveu lors d’un procès pénal. « Le mal est fait » : cette affirmation est d’autant plus vraie aux Assises, où l’aveu d’un présumé innocent joue toujours son petit effet dans l’esprit des jurés, même s’il a été annulé. […]
Vous avez lu attentivement l’unique phrase qui compose l’article 428 et vous avez certainement remarqué quelque chose. *Où est la définition juridique de l’aveu ? Ô surprise, encore une notion qui n’est pas définie par le Code de procédure pénale ! Diantre, mais que fait le législateur !? Pas de panique, comme d’habitude, la doctrine a supplanté la carence de ce dernier et a proposé toutes sortes de définitions. […] « l’aveu doit être libre et spontané […]. Car l’essence de l’aveu demeure la liberté** : il doit être recueilli dans le respect de celle-ci ».
L’essence même du Veritaserum est de plonger celui qui l’ingère dans un état à la limite de la transe : la volonté de la personne est annihilée par une docilité imposée. Ses réponses aux questions posées sont formulées sans hésitation, presque automatiquement. Il n’y a plus de liberté sous l’emprise du Veritaserum (cf. toutefois la partie bonus). Avouer sous Veritaserum pourrait-donc être comparé à avouer sous la torture, puisqu’initialement, on ne veut pas avouer, mais qu’on nous force à le faire quand même, contre notre volonté.
Outre le fait que le Veritaserum semble incompatible avec le principe même de l’aveu, censé être volontaire, l’utilisation de cet élixir viole par ailleurs plusieurs principes de notre procédure pénale.
Le droit de se taire, tout d’abord. L’article 116 du Code de procédure pénale précise ainsi qu’un juge d’instruction doit, avant tout interrogatoire, informer la personne entendue de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Le droit de ne pas participer à sa propre incrimination, dérivé du droit de se taire, est également bafoué par l’utilisation du Veritaserum. Il découle directement de la présomption d’innocence : une personne placée en garde-à-vue reste innocente, elle a donc tout à fait le droit de ne rien dire, puisqu’il revient exclusivement à l’accusateur d’apporter la preuve de son éventuelle culpabilité.
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Justement, que dit la réglementation relative au Veritaserum ? Selon le site pottermore utilisé par J.K. Rowling pour continuer à faire vivre son petit univers, le Veritaserum ne peut pas être utilisé au cours d’un procès devant le Magenmagot, car certains sorciers peuvent se protéger de ses effets en scellant leur gorge, transformer la potion en un léger thé sucré ou pratiquer l’occlumancie et ainsi produire de fausses déclarations. D’autres sorciers bien moins doués en sont incapables. J.K. Rowling explique ainsi qu’utiliser du Veritaserum lors d’un procès s’avérerait injuste vis-à-vis de ceux qui ne peuvent se prémunir de ses effets, en plus d’anéantir toute force probante à la chose, puisque certains sorciers peuvent contourner l’élixir.