Que ne ferait pas la presse pour sauver la planète ! En triant vos journaux, « Vous êtes sur “Le Point” de faire un beau geste » ; « Comme disait “Marianne”, “ah, ça triera, ça triera, ça triera !” » ; etc. Ce récent déferlement de pages de pub n’a pourtant rien de bien vert…
Il résulte de la négociation menée par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine avec Citeo, l’éco-organisme chargé de collecter la contribution des entreprises productrices et utilisatrices d’emballages et de papier.
Le but ? Aider les collectivités tenitoriales à financer le tri. En réalité, lesdits journaux n’ont pas déboursé un centime : ils ont tout simplement troqué leur écocontribution contre… des encarts de pub. Ça, c’est du recyclage, coco !
Citeo, qui est loin d’avoir rempli les objectifs de récupération fixés par l’Etat lors du Grenelle de l’environnement (75 % pour les emballages, 65 % pour le papier), a bien besoin de redorer son blason. En 2017, seules 3,4 millions de tonnes d’emballages (68 %) et 1,3 million de tonnes de papier (57,6 %) ont été collectées. Pourquoi tant de déchets dans le recyclage ?
Bennes trouées
Citeo présente un défaut congénital. Contrôlée par les emballeurs et par l’industrie agroalimentaire (Lactalis, Nestlé, Kronenbourg, L’Oréal, Evian, Coca-Cola), la boîte encaisse un pourcentage sur tous les emballages porteurs du « point vert » vendus dans le commerce : canettes de bière, boîtes de conserve, etc.
En retour, Citeo verse des aides aux collectivités assurant le tri sélectif. Sauf qu’il les rétribue en fonction des tonnages d’ordures ramassées. Comme ces collectes municipales n’atteignent pas les objectifs fixés par le Grenelle, l’éco-organisme ne distribue pas la totalité des sommes récoltées auprès des consommateurs (690 millions cette année). Moins le tri fonctionne, plus Citeo s’enrichit ! Du coup, il dispose d’une incroyable trésorerie : 188,9 millions !
Ce fonctionnement baroque n’incite guère les industriels actionnaires de Citeo à diminuer leur production d’emballages… « Nous sommes une société à but non lucratif », rétorque sa porte-parole. Une société qui reste toutefois très lucrative pour ses dirigeants : Citeo a versé une rémunération brute annuelle de 1,857 million d’euros au comité de direction (neuf personnes), soit 206 033 euros en moyenne. Combien pour son directeur général, Jean Hornain ? Secret, mais, en 2014, son prédécesseur touchait 370 367 euros, soit quasiment autant que le patron de la SNCF.
S’il tenait ses promesses écologiques, il gagnerait peut-être autant que celui d’Airbus !
Dans le Canard enchaîné du 12 septembre 2018.