Après l’affaire Benalla, les flics pensaient la cause entendue : l’Elysée allait renoncer au superservice de protection présidentielle, voulu par Macron, sur lequel planchait son célèbre chargé de mission. Tout faux ! Le chef de l’Etat aura bientôt sa nouvelle Direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR).
Cette structure flambant neuve, financièrement autonome et ne dépendant plus de la Place Beauvau, doit voir le jour ce mois-ci. Les 300 poulets et pandores qui la constitueront, triés sur le volet, auront pour mission de protéger tout à la fois le Président, sa famille et son Château.
Gare aux gorilles
Jusqu’à présent, deux entités cohabitaient : d’un côté, les gardes républicains, qui veillaient sur le bâtiment et sur le chef de l’Etat lorsqu’il se trouvait à demeure ; de l’autre, les gorilles du Groupe de sécurité de la présidence (GSPR), qui chaperonnaient Emmanuel et Brigitte lors de leurs escapades officielles et officieuses. Une situation dont s’accommodaient parfaitement les poulets : à l’instar des gendarmes du GSPR, et sur un pied d’égalité, ils dépendaient du directeur général de la police. Lequel avait un droit de regard quant au recrutement, à la formation, au matériel et à l’argent mis à disposition.
Malin comme un singe
La grande crainte des flics est de voir les gendarmes prendre le contrôle de cette garde présidentielle. Leurs petits camarades dirigent déjà le GSPR et le commandement militaire du Palais. « C’est un remake de 1981 ! s’agace un chef poulet. Sitôt élu, Mitterrand, qui se méfiait des policiers, avait demandé au commandant Prouteau, alors patron du GIGN, de le protéger en créant le GSPR. » Un cordon prétorien constitué exclusivement de super-gendarmes — jusqu’à l’élection de Chirac, quatorze ans plus tard — et responsable de l’affaire des écoutes illégales de l’Elysée.
Pour désamorcer les critiques, Macron a sacrifié quelques têtes. Exit les généraux Eric Bio-Farina et Lionel Lavergne — respectivement patron des gardes républicains au Château et chef du GSPR —, qui, avec Alexandre Benalla et Christian Prouteau (dans le rôle du consultant !), ont conçu la nouvelle DSPR. Même leurs adjoints ont été priés de faire leur paquetage.
Les poulets espéraient récupérer les places laissées vacantes. Raté ! C’est un gendarme qui a été choisi pour devenir le premier directeur de la sécurité rapprochée. Les flics se contenteront d’un poste d’adjoint…
Macron a-t-il rouvert la boîte de pandore ?
Dans le Canard enchaîné du 3 avril 2019.