S'il y avait un sondage au sein du gouvernement sur les chances de voir aboutir la réforme constitutionnelle, le non l’emporterait probablement à 80 %. L’Elysée et Matignon ont beau afficher un optimisme de bon aloi, Macron comme Philippe ne croient guère à l’aboutissement de cette réforme, encalminée depuis près d’un an pour cause d’affaire Benalla.
C’est du moins ce qu’il ressort des confidences que les deux hommes ont faites, ces derniers jours, à leurs proches comme à plusieurs visiteurs.
« Si le Sénat est au clair et se montre fiable dans sa volonté de trouver un accord sur la réforme, celle-ci se fera, a résumé Macron. Mais il n’est pas question de passer trois mois à débattre pour constater un désaccord. »
Et le chef de l’Etat d’expliquer à ses interlocuteurs : « C’est pour cela que j’ai demandé à Philippe et à Ferrand de voir sur quoi les sénateurs sont prêts publiquement à s’engager. On jugera sur pièces. »
Bloqué de chez bloqué
Les barons de la Macronie ne brillent pas non plus par leur optimisme sur le sujet.
« J’ai une confiance très limitée dans la parole des Républicains », a affirmé le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, lors d’un petit déjeuner à l’hôtel de Lassay, le 29 mai. Et le même d’ajouter, un peu plus tard, cette fois devant des députés LRM :
« Le président du Sénat dit » vouloir aboutir, mais il multiplie les lignes rouges. Et, quand je vois la capacité des Républicains à tenir un compromis, je souhaite bon courage à Edouard. »
A vrai dire, depuis un an, le rapport de force n’a pas bougé et le problème reste le même : le gouvernement doit composer, comme on le sait, avec le Sénat, donc avec la droite, qui y est majoritaire, s’il veut obtenir la majorité des trois cinquièmes au Congrès pour faire passer sa réforme constitutionnelle. Laquelle, outre la fin de l’entrée automatique des anciens présidents au Conseil constitutionnel et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), comprendrait désormais l’acte II de la décentralisation, la modification du référendum d’initiative partagée (RIP) et l’entrée de citoyens tirés au sort au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Le pouvoir doit aussi se soumettre au bon vouloir du Sénat, dont le vote conforme est nécessaire pour adopter les lois organiques. C’est-à-dire, en l’occurrence, la limitation dans le temps du cumul des mandats et la baisse du nombre de députés et de sénateurs.
À mon avis :
Question qui tue
Reste une interrogation (au moins). Si ça bloque sur les deux textes précités, faut-il maintenir le troisième volet : l’instauration d’une dose de proportionnelle [ NDLR : aux élections législatives ], qui relève de la loi ordinaire. pour laquelle l’Assemblée a le dernier mot ? Bayrou y tient, à sa proportionnelle. Et, pourtant, le patron des députés MoDem, Patrick Mignola, répond négativement.
« Ce doit être tout ou rien, explique celui qui est aussi rapporteur de la réforme constitutionnelle. La révision est un bloc. Soit on vote ensemble parce qu’on est capables de mettre l’intérêt général au-dessus de l’intérêt partisan, soit la droite et le Sénat refusent de le faire et ils se tirent plusieurs balles dans le pied. Le Sénat passera pour une chambre ultra-conservatrice, qui empêche l’application des conclusions du grand débat. Ils feront des mécontents chez les Français et chez les élus locaux. »
Chantage as usual… Déprimant…
Comme si les Français (et les élus locaux) avaient besoin du Sénat pour être mécontents...
Dans le Canard enchaîné du 5 juin 2019.