C'est donc par un discret décret, paru en pleine torpeur estivale, le 11 août, que le gouvernement a géré le « cas Hulot ». Comme « Le Canard » (5/7) l’a raconté, Macron avait failli se débarrasser de son ministre écolo en découvrant l’ampleur de ses revenus et des potentiels conflits d’intérêts qui vont avec. Car, depuis les années 90, le télécologiste touche des royalties sur les produits de beauté de la marque Ushuaïa, fabriqués par L’Oréal. Et les montants ne sont pas vraiment anecdotiques...
D’après sa déclaration d’intérêts, publiée le 11 août sur le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Hulot s’est versé, via sa société Eole, entre 176 000 et 338 000 euros de salaire annuel de 2012 à 2016. De quoi rendre verts de jalousie ses collègues ministres, qui sont loin de gagner autant… Et il faut ajouter les dividendes, qui n’apparaissent pas dans cette déclaration. Selon les derniers comptes connus de la société Eole, ceux-ci atteignaient 40 000 euros en 2012 et 60 000 euros en 2013. Or tous ces menus revenus proviennent des produits Ushuaïa…
Autre mélange des genres : la fondation présidée par Hulot a touché des centaines de milliers d’euros de mécènes aussi verts qu’EDF, Veolia ou L’Oréal. Plutôt gênant, au moment de prendre position, en tant que ministre, sur l’EPR ou sur les fermetures de centrales nucléaires…
Après avoir demandé un avis confidentiel à la Haute Autorité, le gouvernement a tenté de résoudre ce double casse-tête par un décret qui tient en deux articles de deux lignes ! Le ministre, dit le texte en jargon administratif, « ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à la Fondation Nicolas Hulot » ni des actes relatifs « au développement, à la fabrication et à la commercialisation de produits cosmétiques ». Sur ces questions, Hulot devra laisser la main à Matignon. Ça va être pratique pour gérer le dossier des perturbateurs endocriniens, qui concerne, notamment, les cosmétiques…
Quant à la société Eole, « Nicolas Hulot ne percevra aucune rémunération de celle-ci, assure le ministère de l’Ecologie au “Canard”. Les royalties L’Oréal seront exclusivement versées à la société Eole ». Sauf que Hulot en est actionnaire à 99 % ! Toutes les royalties seront donc mises en réserve, et il les touchera simplement plus tard, quand il ne sera plus ministre, sous forme de bénefs pas vraiment cosmétiques…
Dans le Canard enchaîné du 16 août 2017.