Pour financer leurs largesses, les finances veulent s’en prendre aux privilèges fiscaux. Problème : ceux qu’on peut siphonner ne rapportent (pratiquement) rien.
Bienvenue au pays de cocagne ! Le Maire et Darmanin l’ont promis, cette semaine, dans deux interviews : la fin du quinquennat verra fleurir des baisses d’impôt et des hausses à gogo du pouvoir d’achat. Pour financer ces largesses, les ministres affirment tenir une mine d’or : les niches fiscales. Cent milliards de « cadeaux » seraient offerts chaque année aux ménages — notamment les plus riches -— et aux entreprises.
Examiné à la loupe, malheureusement, le problème se complique. Depuis dix ans, le gouvernement, pas si bête, a choisi de diminuer l’importance des niches, non en les supprimant — ce qui mobiliserait les lobbys —, mais en les plafonnant. En 2009, un ménage pouvait déduire de son revenu imposable jusqu’à 25 000 euros. Aujourd’hui, c’est 10 000 euros seulement.
Au point qu’il n’y a plus beaucoup d’économies à gratter. C’est ce que montre une note commandée par Joël Giraud (LRM) aux services de la commission des finances de l’Assemblée, dont il est rapporteur. « Les niches qui restent, explique-t-il, correspondent à des logiques économiques et sociales. Leur suppression coûterait plus cher aux finances publiques que leur conservation. »
Pas tres z-Antilles
Plus de la moitié du coût, pour l’Etat, des 474 niches fiscales est imputable aux dix plus grosses. L’essentiel des 464 autres, parmi lesquelles les plus baroques et les moins justifiées, ne lui coûte pratiquement rien. Et les supprimer lui rapporterait peu (lire l’encadré).
Côté particuliers (qui bénéficient des niches à hauteur de 36 milliards), le gouvernement a fait savoir d’entrée qu’il ne toucherait pas au crédit d’impôt pour l’emploi des salariés à domicile (4,8 milliards), même s’il bénéficie en priorité aux ménages les plus aisés.
La suppression de cet avantage entraînerait une flambée du travail au noir, donc une baisse des cotisations sociales et des impôts réglés par ces salariés, supérieurs à l’avantage fiscal.
Mêmes craintes pour le taux de TVA réduit sur les travaux à domicile (3,2 milliards). Pas question non plus de priver les retraités — déjà étrillés par Macron — des 10 % d’abattement sur leur pension (4,2 milliards). Ou de s’attaquer au taux de TVA réduit sur les dépenses sociales ou les médicaments (4,8 milliards). Et comment faire croire aux Antillais et aux Réunionnais qu’on va regonfler leur pouvoir d’achat en augmentant le taux de leur TVA réduite (1,9 milliard) ? Ou expliquer aux familles modestes que certaines prestations sociales non imposables (1,9 milliard) vont le devenir ?
(Fis)cale sèche
Côté entreprises, bon courage pour supprimer des aides censées doper la compétitivité et l’emploi, tels le CICE (19,6 milliards), le crédit recherche (6,2 milliards) ou la TVA réduite dans la restauration (2,9 milliards). « Les niches des entreprises sont une soupape d’évacuation de la pression fiscale, très supérieure à l’étranger, qu’elles subissent », estime le député LR Gilles Carrez.
Pour gratter quelques sous, il ne reste à Joël Giraud que des projets faméliques comme la réduction des avantages liés aux investissements dans les sociétés de cinéma, dont bénéficient 7 405 riches contribuables. « Mais son intérêt fiscal serait limité : elle ne coûte que 29,2 millions d’euros à l’Etat. »
On dirait que les Français ne veulent pas aider Macron à faire des cadeaux aux Français…
Surprise : 191 des 474 niches fiscales recensées dans le budget de 2019 ne rapportent pas un rond à leurs bénéficiaires. Ou alors une somme « epsilon », notent les crânes d’œuf de Bercy, impossible à chiffrer tant elle est dérisoire.
Exemple : l’« exonération d’impôt des immeubles affectés à l’activité professionnelle du redevable », qui concerne… zéro ménage et coûte au Trésor une somme « non chiffrable ». Plus sérieuse, la « déduction forfaitaire pour frais professionnels des chômeurs depuis plus d’un an » profite à 654 533 ménages, à qui elle est censée rapporter 1,52 euro par an.
Et, s’il sucre aux 43 186 ménages qui en bénéficient l’exonération d’impôt de leur « prime forfaitaire pour reprise d’activité », l’Etat ne gagnera que 23,70 euros par ménage imposable.
Y a pas de petits profits…
En résumé : à moins d'un choix politique (supprimer le CICE, le CIR, salariés à domicile, autre), il n'y a plus d'argent pour faire diversion. :)
Dans le Canard enchaîné du 10 avril 2019.