Avez-vous déjà entendu parler des agents de plumaison et d'épilation ? Pour ne pas perdre trop de temps, en début de chaîne d'abattage, à débarrasser les poulets de leurs plumes et à rendre imberbes les cochons, l’industrie volaillère et charcutière a trouvé la solution : les pauvres bêtes, une fois zigouillées, sont automatiquement plongées dans un bain chimique contenant, au choix, de l'alkylaryl sulfonate de sodium ou de l'éter d’éther alkyltriglycolique.
Un traitement au poil qui n’est pas mentionné sur l'étiquette des filets de porc ou des cuisses de poulet en barquettes, tout comme les autres « auxiliaires technologiques » dont raffole l’industrie agroalimentaire, pour produire plus vite et plus facilement ses aliments transformés : antimousse dans l'eau de lavage des légumes congelés, agents de clarification pour jus de fruits ou décolorants dans les huiles alimentaires… N'en jetez plus !
Si ces auxiliaires technologiques sont cachés, c’est parce qu'on ne les consomme pas en tant qu'« ingrédients alimentaires » mais sous forme de résidus indésirables. Dès lors, les industriels ont obtenu de Bruxelles qu’ils échappent à tout étiquettage. Avec déjà 300 additifs à indiquer, cela aurait fait beaucoup de noms sur la boîte. Une goûteuse exemption que l’association Foodwatch vient de dénoncer. De plus, tous les auxiliaires technologiques ou presque peuvent être commercialisés dans l'Union européenne sans que les agences sanitaires aient leur mot a dire. Seuls les agents de décontamination, utilisés, par exemple, pour laver les salades en sachets, les enzymes pour faciliter la décantation du vin et les solvants d'extraction qui permettent d'extraire l'huile des graines de tournesol ou de colza doivent montrer patte lanche avant d'être mis sur le marché.
Une fois n’est pas coutume, la France a fait du zèle en concoctant sa propre liste d’auxiliaires technologiques « soumis à autorisation préalable ». Cocorico ! Sauf que la Répression des fraudes ne contrôle pas, ensuite, pour voir s’il reste des résidus dans les produits. Et, surtout, un auxiliaire technologique retoqué par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation peut très bien, s'il est fabriqué chez l'un de nos voisins qui se contente d'appliquer la réglementation européenne, revenir dans nos assiettes en toute légalité.
On est dans les choux (de Bruxelles) !
Dans le Canard enchaîné du 26 septembre 2018.