Voilà un sujet qu'Emmanuel Macron n’a pas eu le temps d’évoquer pendant les quatorze heures qu’il a passées au Salon de l’agriculture : les méchantes défaillances dans le contrôle sanitaire de notre alimentation. Deux semaines avant que la plus grande ferme de France ouvre ses portes à Paris, la Cour des comptes venait pourtant, dans son rapport annuel, de hacher menu notre système de surveillance de la chaîne alimentaire.
Les magistrats de la Rue Cambon l’ont d'autant plus mauvaise que rien ou presque ne s'est amélioré depuis leur précédent contrôle, en 2013. Ils relèvent ainsi que « des insuffisances subsistent a toutes les étapes », et ce « depuis les autocontroles réalisés par les entreprises jusqu'à la publication des résultats des inspections ».
Premier constat : l'Etat n'a pas assez de troupes pour vérifier la qualité des denrées qui finissent ans notre assiette. Dans les abattoirs de volailles et de lapins, par exemple, « les moyens disponibles en inspecteurs demeurent toujours insuffisants pour se conformer à l'obligation européenne de présence d'un agent des services vétérinaires dans chaque abattoir ». L’Etat manque aussi de bras pour surveiller les commerces d'alimentation, les grandes surfaces et les restaurants. « Un établissement de restauration est donc contrôlé en moyenne tous les quinze ans », déplorent les rapporteurs. Il y aurait bien un moyen de trouver de l'argent pour étoffer les troupes de contrôleurs : augmenter les redevances sanitaires payées par les entreprises, ce que permet la réglementation européenne. Prenez les 55 millions d'euros de redevances perçus chaque année par la Direction Générale de l'alimentation (DGAL, la somme couvre à peine 17 % du coût des contrôles. Et que dire de la Répression des fraudes (DGCCRF), qui se contente de 1 million d’euros annuels au titre d'une redevance à l'import ? Finalement, l’agroalimentaire ne finance que 10 % des contrôles sanitaires de l'alimentation opérés par l'Etat, contre 28 % aux Pays-Bas et 47 % au Danemark !
Pour rendre les choses encore plus complexes, si, dans la plupart des pays européens, un seul organisme pilote la sécurité sanitaire, la France en aligne trois… qui se marchent sur les pieds : la direction générale de la santé, pour la qualité des eaux, la DGAL, pour les aliments d'origine animale, et la DGCCRF, pour les végétaux.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Dans le Canard enchaîné du 6 mars 2019.