D'après le rapport 2019 sur la Sécurité sociale de la Cour des comptes, les niches sociales (exonérations de prélèvements sociaux) s'élèveraient à environ 90 milliards d'euros en 2019. Le gouvernement et le Parlement avaient calculé et présenté environ 66 milliards d'euros de niches sociales dans la loi 2019 de financement de la Sécu, soit environ 32 milliards de plus que ce qu'ils avaient affiché dans la loi de 2013. Ces 32 milliards d'euros correspondent principalement au Pacte de responsabilité mis en œuvre depuis 2014 pour 9 milliards d'euros par an auxquels s'ajoutent 18 milliards d'euros par an de CICE, devenu une exonération de cotisations sociales en 2019. Ainsi, le bond est fulgurant, mais au global, l'État gagnera en impôt sur les sociétés ce que la Sécu (branches maladie et famille) perdra en cotisations. L'écart entre les 90 milliards d'euros (environ) calculés par la Cour et les 66 milliards calculés dans la loi 2019 de financement de la Sécu vient principalement de mesures évoquées dans la loi mais non reprises dans le tableau de synthèse de celle-ci (exonération ou réduction de CSG sur les revenus de remplacement autres que retraites et chômage pour 4,3 milliards d'euros, par exemple) et de mesures évoquées dans la loi mais non chiffrées (exonération de CSG sur les retraites de base et les allocations chômages, pour 4,3 milliards d'euros, par exemple).
Il y a quelques semaines, la presse nous rapportait que Gattaz, l'ancien patron du Medef, exhorte Roux de Bézieux, le nouveau patron du Medef, à s'engager à créer 2 millions d'emplois sur 5 ans en se basant sur son exemple… qui a été un échec puisque le CICE et le Pacte de responsabilité n'ont pas créés 1 million d'emplois entre 2014 et 2019. Je me demandais ce que le Medef allait demander en échange. Le Medef veut de nouvelles exonérations de prélèvements sociaux, sur le financement des transports en commun ou sur le financement de la dépendance / journée de solidarité, par exemple. Le gouvernement y pense, sans contrepartie annoncée, mais ne sait pas comment compenser, dans le budget des communes, ces rentrées d'argent. Je trouve dingue de refuser d'inscrire les sociétés commerciales dans un environnement économique global, comme si une société commerciale était indépendante de tout (transports, handicapés, éducation) et ne s'inscrivait pas dans une société humaine qui la dépasse : à quoi bon générer de la valeur économique si l'on en fait rien d'utile pour l'ensemble de la société ?
On croyait que le Medef et la plupart des chefs d'entreprise français n’étaient pas trop mécontents de la politique fiscale de Macron. Le CAC 40 se porte bien ; les dividendes et les bénéfices augmentent, merci.
Yep, versement record de dividendes en France et dans le monde en 2018.
Pourtant, on apprend dans « Le Figaro » (10/10) que « les impôts de production plombent les entreprises ». Le président délégué du Medef, Patrick Martin, précise la pensée patronale : « La baisse de l’impôt sur les sociétés n’est pas suffisante. » Et il se désole de n’avoir rien trouvé dans le projet de budget pour 2020 « pour diminuer ces impôts et taxes sur les facteurs de production », comme le « versement transport » [ financement des transports en commun en IdF ou dans les bleds qui l'ont mis en œuvre ] ou la « contribution de solidarité » [ financement de la dépendance (âge ou handicap), autre nom de la journée de solidarité ].
Cet émouvant appel au secours prouve au moins que les dirigeants du Medef n’ont pas perdu l’appétit.
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Autre sujet de mécontentement pour le Medef : le rapport de la Cour des comptes sur la Sécu, rendu public mardi dernier. « Les propositions des magistrats financiers, préviennent “Les Echos” (9/10), ne manqueront pas d’agacer le patronat. » Il faut dire que les experts de la Rue Cambon soulignent cruellement « le poids croissant des allégements généraux de charges patronales, estimés à 52 milliards d’euros », soit 26 milliards de plus qu’en 2013.
Mais, qu’on se rassure, le gouvernement n’est pas près de fermer le robinet.
Dans le Canard enchaîné du 16 octobre 2019.