Le 17 janvier 2008, M. Aycaguer participa à un rassemblement organisé par un syndicat agricole et par un groupement foncier mutualiste à l’occasion d’une réunion professionnelle dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Ce rassemblement se déroulait dans un contexte politique et syndical difficile. A l’issue de la réunion, une bousculade éclata entre les manifestants et la gendarmerie.
M. Aycaguer fut placé en garde à vue et cité devant le tribunal correctionnel de Bayonne pour avoir volontairement commis des violences n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme, en l’occurrence un parapluie. M. Aycaguer fut condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis. Le 24 décembre 2008, à la suite d’une demande du parquet, M. Aycaguer fut convoqué pour que soit effectué un prélèvement biologique sur sa personne, sur le fondement des articles 706-55 et 706-56 du CCP. Le 19 mai 2009, il fut convoqué devant le tribunal correctionnel pour avoir refusé de se soumettre à ce prélèvement et le 27 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne le condamna à une peine d’amende de 500 euros. La cour d’appel de Pau confirma ce jugement. M. Aycaguer forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté.
Si l’ingérence était prévue par la loi française et poursuivait un but légitime, il convient notamment de noter qu’en vertu de l’article R. 53-14 du Code de procédure pénale, la durée de conservation des profils ADN ne peut dépasser quarante ans s’agissant des personnes condamnées pour des infractions qui présenteraient toutes, selon le Gouvernement, « un certain degré de gravité ». La Cour relève qu’il s’agit en principe d’une période maximum qui aurait dû être aménagée par décret. Or, ce décret n’ayant pas vu le jour, la durée de quarante ans est en pratique assimilable à une norme plutôt qu’à un maximum.
La Cour observe ensuite que le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 septembre 2010, une décision déclarant que les dispositions relatives au fichier incriminé étaient conformes à la Constitution, sous réserve entre autres « de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées ». La Cour note qu’à ce jour, cette réserve n’a pas reçu de suite appropriée. Elle relève qu’aucune différenciation n’est actuellement prévue en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction commise, malgré l’importante disparité des situations susceptibles de se présenter, comme celle de M. Aycaguer en atteste. Or, les agissements de celui-ci s’inscrivaient dans un contexte politique et syndical et concernaient de simples coups de parapluie en direction de gendarmes qui n’ont d’ailleurs pas été identifiés. Ces infractions se différencient nettement d’autres infractions particulièrement graves à l’instar des infractions sexuelles, du terrorisme ou encore des crimes contre l’humanité ou de la traite des êtres humains.
La Cour considère que le régime actuel de conservation des profils ADN dans le FNAEG n’offre donc pas, en raison tant de sa durée que de l’absence de possibilité d’effacement, une protection suffisante à l’intéressé et ne traduit donc pas un juste équilibre entre les intérêts concurrents, publics et privés, en jeu.
La Cour conclut que l’État défendeur a outrepassé sa marge d’appréciation en la matière. La condamnation pénale de M. Aycaguer pour avoir refusé de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l’enregistrement de son profil dans le FNAEG s’analyse en une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique.
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